Pendant la présidentielle, Libé sonde, chaque jour de la semaine, cinq lieux différents de la «France invisible». Le lundi, une maison de retraite à Montpellier (Hérault).
A moins de deux mois du premier tour de la présidentielle, on juge déjà sévèrement cette campagne, à la résidence des Glycines. Marie, connue pour ses avis tranchés, annonce d'emblée la couleur : «Je n'ai jamais vu le débat voler aussi bas. Cette campagne, elle est glauque.» Même Maurice, toujours mesuré, évoque une «ambiance sale, malpropre, malodorante». Marie-Rose, la doyenne, n'est guère plus tendre : «Moi non plus je n'ai jamais vu ça, même quand je tenais les bureaux de vote pour Chirac.»
Tous font allusion à l'affaire Fillon. Tandis que Bernard et Maurice dénoncent d'une même voix «un acharnement» contre le candidat de la droite, Mireille se désole : «C'est sûr qu'ils veulent le démolir, d'une façon honteuse et éhontée.» Seule Marie-Rose ose un peu d'optimisme : «Fillon va gagner parce que les gens auront de la sympathie pour lui face à ce qu'il endure. On voit bien que tout ce qui lui arrive, c'est machiné.» Fernande, elle, envers et contre tous, maintient fermement son cap anti-Fillon : «Il est coulé. Il ne sera jamais président. Ce qu'il nous faut, c'est un homme… honnête avant tout.»
A l'heure de ce premier bilan de campagne, personne ici ne se passionne pour les récents déboires de Marine Le Pen. «Ce type d'affaires, c'est comme la soupe à l'ail, résume joliment Maurice, ça revient tout le temps.» En revanche, l'absence d'un candidat écolo à cette présidentielle émeut Bernard : «En France, l'écologie n'est pas suffisamment prise au sérieux. Ça fait hélas encore ricaner. On a l'impression que les hommes politiques ne veulent pas aborder ces problèmes, mais c'est vraiment une faute, surtout pour les générations à venir.»
L'absence d'alliance entre Hamon et Mélenchon désole Fernande, qui estime qu'on peut «se disputer mais se marier quand même». Quant à Maurice, il s'est surpris à apprécier les prestations télévisées de Mélenchon : «Je ne voterai pas pour lui, bien sûr, mais je lui trouve plus de prestance, de dynamisme, de charisme que Hamon.»
Vient ensuite le tour de Macron : a-t-il davantage de chances d'être élu, depuis son alliance avec Bayrou ? Sur nos sept seniors, deux seulement le croient capable de gagner (dont Mireille, que chacun ici soupçonne d'être un peu amoureuse de lui). Marie, elle, pense qu'il s'est définitivement «grillé auprès des pieds-noirs» après sa sortie sur la colonisation.
Depuis début janvier, la campagne n’aura fait changer d’avis aucun des résidents - même si Josette n’est plus sûre de vouloir encore voter Fillon. Le candidat de la droite l’emporte encore haut la main au sein de la petite assemblée.