«Nous gagnerons même avec Fillon» : tel pourrait être, à moins de deux mois de l'échéance, le slogan provocateur de la droite française. Massivement convaincus que leur candidat a été victime d'une «tentative d'assassinat politique», les élus et sympathisants LR n'ont plus d'états d'âme. Ils font bloc derrière celui qui promet de «fermer la page du socialisme» et de réformer radicalement, sans craindre d'affronter les syndicats.
Fillon sous la menace des juges ? «Cela ne change rien», proteste le député LR Gilles Carrez, généralement reconnu, au-delà de son propre camp, comme un élu exemplaire, allergique aux batailles politiciennes. Pourtant, samedi, il n'a pas hésité à crier au complot au micro d'Europe 1 : «Les socialistes veulent voler la victoire à la droite. […] Je pense que, de longue date, il y a une véritable machination qui a été mise en œuvre.» Que le très prudent Carrez puisse tenir de tels propos en dit long sur l'état d'esprit à droite. Le noyau dur de l'électorat LR croit dur comme fer, mais sans aucune preuve, que la gauche en général (et François Hollande en particulier) sont derrière le «Penelope Gate». Valeurs actuelles, l'hebdo de la droite décomplexée, aurait d'ailleurs vu ses ventes augmenter de 30% avec son numéro du 15 février qui faisait sa une sur «le complot anti-Fillon».
Flottement
Tout en se gardant de mettre directement en cause la justice, le président du Sénat Gérard Larcher a souhaité dimanche, sur RTL, qu'à défaut de respecter «une trêve», les juges désormais en charge de l'affaire Fillon fassent preuve «de retenue». De son côté, Luc Chatel formait le vœu qu'il n'y ait «pas d'accélération» de l'enquête. Comme les avocats de Fillon, Chatel fait mine de se réjouir de l'ouverture d'une information judiciaire : cela démontrerait que l'enquête n'a pas permis de réunir «les éléments probants» qui auraient débouché sur une citation directe des époux Fillon.
La période de flottement qui a suivi la révélation des emplois supposés fictifs de Penelope Fillon paraît définitivement révolue. Dans les rangs LR, plus aucun frondeur ne fantasme sur un plan B. L’ancien Premier ministre assure que c’est après avoir lui-même envisagé de passer la main qu’il en a conclu que sa candidature était la seule solution.
A en juger par l'affluence à son dernier meeting, vendredi soir à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), les sympathisants en sont largement convaincus. «Ils ont cru nous abattre, ils ont échoué. Nous pulvérisons les records de fréquentation», triomphait le député-maire LR de la ville, Michel Herbillon. Devant quelque 2 000 sympathisants, le sénateur LR du Val-de-Marne Christian Cambon a rappelé qu'il ne fallait «pas se tromper» sur l'enjeu cette présidentielle : «Ce n'est pas le destin d'un homme, c'est l'avenir de nos enfants.» Il ne s'agit donc pas de remettre «un prix de vertu» a insisté le sénateur, soulignant de caractère «dérisoire» de la question de savoir si le candidat Fillon méritait un tel prix.
«Pas un saint»
Pour ses soutiens, ce dernier doit assumer de «ne pas être un saint», tout en protestant n'avoir rien fait d'illégal. De Jean d'Ormesson à Luc Ferry, plusieurs personnalités défilent ces derniers jours dans les colonnes du Figaro pour signer des tribunes de soutien. «Fillon n'est pas parfait. Quel scoop ! A-t-il commis un de ces crimes atroces qui invalideraient toute candidature à l'Elysée ? On lui reproche d'avoir aidé sa famille dans un cadre qui était légal, mais pas idéalement moral au regard de nos critères actuels», écrit par exemple l'ancien ministre de l'Education.
Les sondages indiquent que le candidat LR peut compter sur un socle représentant près de 20% des électeurs. Un gage de solidité relatif puisqu’il ne suffit pas à le mettre à l’abri d’une élimination dès le premier tour. Une enquête Odoxa pour France 2 est venue le rappeler dimanche : François Fillon y recueille 19%, distancé par Marine Le Pen (27%) mais aussi par Emmanuel Macron (25%).