Aux abords du commissariat, pas une casserole à l'horizon. Pas même une pancarte «Fillon, rends le million». Devant le bâtiment où le candidat Les Républicains était attendu pour une table ronde sur la sécurité, par contre, des supporters – plutôt âgés – venus faire la claque et l'encourager : «Fillon jusqu'au bout !» Il n'y a pas à dire, Meaux est une ville bien tenue… Et son maire, Jean-François Copé, a réservé la totale à son ex-ennemi juré.
Ce lundi matin, François Fillon venait y expérimenter le stade ultime de la mise en scène du rassemblement. En grande difficulté depuis la révélation par le Canard enchaîné de l'affaire des emplois présumés fictifs de son épouse, le candidat, qui a le plus grand mal à être audible en campagne, a besoin de s'afficher avec tous les ténors de son parti. Tous, même le candidat arrivé bon dernier de la primaire de novembre avec 0,3% des voix. Même celui contre qui il a mené une guerre acharnée durant plusieurs semaines, fin 2012, pour la présidence de l'UMP.
«Far-West»
Le duo infernal d'hier s'est donc efforcé de faire croire à sa réconciliation, à coup de discussion les yeux dans les yeux, très naturellement, sous l'œil des caméras et de congratulations sur «l'exemple de Meaux». Arrivé une bonne demi-heure avant l'heure du rendez-vous pour répondre à toutes les questions des journalistes, et plusieurs fois, Copé fait le boulot. «Heureux que sa campagne passe par Meaux», il voit dans la venue de Fillon «un joli symbole». Et jure que de l'eau a coulé sous les ponts : «Nous avons tourné la page de nos querelles passées.» Copé, éjecté de la présidence du parti en juin 2014 quand éclate l'affaire Bygmalion, n'oublie toutefois pas de rappeler qu'il a lui-même «été la cible idéale d'un certain nombre de [ses] collègues en d'autres temps». Et quand il accueille Fillon, c'est – un peu cruellement – avec Nadia Copé, sa femme et assistante parlementaire qui l'accompagne très souvent en déplacement.
Dès son arrivée au poste de police municipale, Fillon répond à la polémique suscitée par ses accusations de la veille contre «un climat de quasi-guerre civile». Et persiste après les incidents de ce week-end autour du meeting de Marine Le Pen à Nantes : «Je combats le Front national de toutes mes forces, mais je ne peux pas accepter que des autocars soient pris d'assaut sur l'autoroute comme si on était au Far West.» Le candidat de la droite dénonce un «climat d'impunité générale» et raconte avoir «alerté Bernard Cazeneuve plusieurs fois sur la passivité du gouvernement».
«Le fromage des rois»
A Meaux, en attendant, tout est calme. Fillon peut goûter aux charmes de la ville grâce au programme concocté par Copé. Toutes ses fiertés y passent. Du mur de visionnage des 200 caméras installées en ville au poste de police au musée de la Grande Guerre, projet porté personnellement par le maire. Pour finir le Copé-tour au musée du brie de Meaux. Le voilà qui s'y pousse du col, contant à son hôte l'histoire de la spécialité locale devant un panneau «Le roi des fromages, le fromage des rois». A côté de lui et de la confrérie du brie, Fillon, l'œil sombre, se force un peu pour sourire.
Sa seule annonce de la matinée, à la table ronde sur la sécurité, passerait presque inaperçue. Celui qui a lancé voilà dix jours une séquence «sécurité» pour relancer sa campagne propose que «toutes les villes de plus de 10 000 habitants» soient dotées d'une police municipale. Celle-ci se verrait dotée de «pouvoirs accrus en matière de contrôle d'identité, avec des pouvoirs de la police judiciaire», serait armée et pourrait «accéder aux fichiers aujourd'hui réservés à la police nationale».
Le candidat semble accuser le coup de l'information judiciaire ouverte vendredi par le parquet financier et des mauvais sondages du week-end. Tous le placent derrière le FN et le candidat d'En marche, et donc éliminé du premier tour. «Certains trouvent frais et printanier un second tour Macron-Le Pen, je dis que derrière, il y a un boulevard pour l'extrême droite», avait réagi Copé dans la matinée. Obligation du coup, de serrer les rangs : «Ce qui se passe en France est très grave. Dans ces moments-là, l'heure n'est pas aux petites concurrences.»