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Libération
LES MOTS DE LA CAMPAGNE

«Acharnement judiciaire» en période électorale? Le FN a le même argument depuis trois ans

Le FN ne cesse de s'étonner des poursuites qui interviendraient juste avant les élections. Cela fait trois ans qu'il recycle le même argument.
Marine Le Pen en meeting, à Lyon, le 4 février. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 28 février 2017 à 19h41

Pour le FN, la défense est simple (si ce n'est simpliste), les affaires judiciaires du parti seraient l'illustration d'un «acharnement judiciaire», d'une «justice instrumentalisée» par le pouvoir politique. Tous les lieutenants du FN ont répété le même élément de langage, s'étonnant que l'audition de Marine Le Pen (à laquelle elle a refusé de se rendre la semaine dernière) intervienne deux mois avant l'élection présidentielle. Ce matin encore, sur France Inter, David Rachline développait l'argumentaire: «Prenons le cas que nous évoquons régulièrement en ce moment et ce fameux rapport de l'Olaf qui existe depuis juillet dernier. Les convocations ont eu lieu récemment, ces jours-ci. Pourquoi n'ont-elles pas eu lieu au mois d'août, pourquoi pas au mois de septembre ou au mois d'octobre? Elles ont lieu quelques semaines avant le premier tour de l'élection présidentielle».

Sur CNews hier, Marion Maréchal Le Pen répétait la même chose presque mot pour mot: «Ce qui est étonnant (...) c'est qu'on ne s'indigne pas de la concomittance de cette audition, comme par hasard deux mois avant l'élection présidentielle, alors que ça fait deux ans que cette enquête est en cours.» Florian Philippot, lui, a dénoncé «à huit semaines de l'élection présidentielle une accélération du calendrier judiciaire», pendant que Nicolas Bay la semaine dernière s'insurgeait de voir «une véritable instrumentalisation de la justice dans une campagne électorale. C'est très grave. L'institution judiciaire peut être manipulée, instrumentalisée, par le pouvoir politique. Le PS est au pouvoir et le parquet obéit au gouvernement.»

En fait, avant chaque élection depuis les municipales de 2014, toutes les personnalités du FN ont usé et abusé de cet argument. En février 2014, alors que le parquet de Paris ouvrait une enquête sur les déclarations de patrimoine de Jean-Marie Le Pen, celui-ci affirmait alors: «Que les Français se rassurent, si une enquête est réellement ouverte, opportunément 6 semaines avant les élections municipales et 3 mois avant les élections européennes, elle se conclura par une fermeture du dossier au motif que mon patrimoine est parfaitement transparent et que rien d'anormal n'est à signaler, comme à chaque fois». En avril 2014, un mois avant les élections européennes, Marine Le Pen voyait déjà la main du pouvoir dans ses tourments judiciaires.

En mars 2015, quinze jours avant les élections départementales, Marion Maréchal-Le Pen accusait déjà le président du parlement européen Martin Schulz (sur l'affaire des assistants parlementaires européens) d'être «aux ordres» de Manuel Valls. «C'est de l'acharnement politique évidemment, en pleine période électorale», expliquait l'élue du Vaucluse.

En septembre 2015, le FN est mis en examen dans le cadre d'une enquête sur son financement. Florian Philippo accusait directement la Garde des Sceaux de l'époque Christiane Taubira «de salir médiatiquement et politiquement le FN à quelques mois des régionales». Deux semaines plus tard, le trésorier du parti Wallerand de Saint-Just est mis en examen dans cette affaire. Pour le vice-président du FN, «personne n'est dupe, je crois. On est à quelques mois, quelques semaines des élections régionales, sur une affaire totalement vide et creuse».

Le même jour, on apprend que Marine Le Pen est renvoyée en correctionnelle pour ses propos tenus sur les prières de rue. Philippot (encore) y voit donc «un acharnement à quelques semaines des élections régionales». Toujours sur ce procès, Marine Le Pen lance: «Il ne vous étonne pas ce calendrier ? Nous sommes à un mois d'une élection alors que cette affaire a cinq ans !».

Enfin, avant les régionales de 2015, Marine Le Pen refuse de se rendre à une convocation des juges (toute ressemblance avec une affaire récente serait fortuite?). Elle avait été convoquée le 13 octobre, puis de nouveau le 9 novembre. Elle explique: «On n'était pas à dix jours près. On me convoque avant les élections, c'est un acte politique. Ce calendrier a pour but de me nuire, estime la présidente du FN. Il y a des pressions du parquet, les magistrats l'ont dit eux-mêmes à un des incriminés, qui en a fait une attestation. On voit que Mme Taubira fait pression, sur ordre de Manuel Valls. »

La défense du FN ne varie donc pas d'un iota. Mais est-ce bien raisonnable de s'étonner de voir des enquêtes ouvertes, des convocations et des procès se tenir avant des élections? Jacky Coulon, le secrétaire national de l'Union syndicale des magistrats l'a rappelé très clairement sur BFM «la justice doit faire son travail à tout moment, que ce soit avant les élections, que ce soit après les élections, parce que je vous le répète on est toujours entre deux périodes d'élections». Le sujet ne serait-il pas simplement qu'il y a des affaires concernant le FN?