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Libération
Analyse

Dette : Hamon fait l’impasse

Benoît Hamon, le 26 février. (Photo Geoffroy Van Der Hasselt. AFP)
publié le 28 février 2017 à 20h06

C'est la grosse arête du programme de Benoît Hamon que beaucoup de socialistes ont du mal à avaler : la question de la dette. Le candidat du Parti socialiste a clairement annoncé la couleur : la règle des 3% de déficit public est «un non-sens», qui «ne répond pas aux besoins d'une économie comme la nôtre». Et si «la dette vis-à-vis de la planète» nous engage, celle vis-à-vis des banquiers peut «tout à fait être renégociée». Et de promettre un deal politique global à l'Allemagne, pour la convaincre de mutualiser demain les dettes de tous les pays de la zone euro.

Benoît Hamon a raison : la règle des 3% est inepte. Non seulement elle ne constitue pas un objectif politique intelligible, mais en plus, tous les économistes sérieux expliquent qu’elle n’a aucun sens. Pour la simple raison qu’une politique budgétaire a des objectifs qui varient en fonction de l’état de l’économie. Tout bon keynésien sait que faire du déficit (y compris au-delà des 3%) peut être très efficace, en cas de récession, pour relancer l’activité. En revanche, une fois la croissance (et les recettes fiscales) revenue, l’objectif d’équilibrer les comptes retrouve une vraie pertinence dans des économies endettées comme la nôtre. Ce débat-là pourrait presque faire consensus à gauche. Mais là où l’affaire se corse, c’est lorsque Hamon assure que l’endettement n’est finalement pas un sujet pour lui. Qu’il compte bien convaincre ses partenaires européens, et notamment Berlin, de renégocier une partie de cette dette, qu’il juge illégitime, puisqu’héritée de la crise des subprimes américaines. Le raisonnement se tient. Mais Hamon prend un double risque : économique, mais surtout politique. Avec une dette passée d’environ 65% à 96% en dix ans, la France est suspendue à une immense inconnue : le niveau des taux d’intérêts. Aujourd’hui, notamment à cause de l’abondance de liquidité, ils sont incroyablement bas. Et donc le coût de la dette très faible. Mais aucun oracle sérieux n’est en mesure de dire si cette situation, inédite, est susceptible de durer. Or, une remontée des taux viendrait d’un coup d’un seul annihiler toute capacité à mener une politique de relance de l’investissement public. Sauf à laisser exploser notre dette.

Hamon laisse alors entendre que la France pourrait demain se retrouver dans la situation de ne plus en rembourser une partie. Il assure pouvoir convaincre Berlin. Mais avec Angela Merkel au pouvoir, cette hypothèse relève du pur fantasme. Le candidat socialiste assure que le deal global passera par un partenariat renforcé en matière de défense, et un nouveau traité sur les énergies renouvelables. Le problème, c’est que l’actuelle chancelière (en course pour de nouvelles législatives en septembre) a, depuis trois ans, refusé à François Hollande la moindre avancée sur ces deux sujets. En politique, il n’est pas interdit de se fixer des objectifs ambitieux, ou de vouloir installer un rapport de force avec ses futurs partenaires. Mais il faut clairement le dire à ses électeurs. Sauf à risquer d’être accusé de démagogie.