Benoît Hamon n'aura pas, «en l'état actuel des choses», le parrainage de Jean-Marie Le Guen. Et pour cause, le secrétaire d'Etat au Développement et à la Francophonie dénigre la «gauche radicalisée» à laquelle appartiendrait selon lui Benoît Hamon. En moins de huit minutes, sur RTL, Jean-Marie Le Guen a décliné l'expression au moins neuf fois pour expliquer à quel point il s'opposait au programme de Hamon. «C'est un programme de gauche radicalisée», a-t-il affirmé. Avant de dénoncer «la radicalisation de son discours», «un discours extrêmement radical», «sur le terrain de la gauche radicale».
En fait, explique le secrétaire d'Etat, l'alliance avec Jadot c'est «le tour de France des Zad. On a pris tous les chantiers où il y avait un élément de mobilisation radicalisée» et on les a abandonnés, explique-t-il à propos de l'accord promettant la fin du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, de la ligne de TGV Lyon-Turin et de l'enfouissement des déchets nucléaires à Bure.
Dans sa charge contre Hamon, Le Guen épuise donc tout le champ lexical de la radicalisation. Il appelle notamment à «cesser les lunes qui promettaient l'unité de la gauche radicale», car «la désunion s'installe durablement à l'intérieur de la gauche radicale». Enfin, Hamon «ne peut pas s'adresser à 20% des Français qui pour telle ou telle raison sont sensibles à des thèmes d'une gauche radicalisée». La boucle est bouclée.
Le terme de gauche radicalisée rappelle en fait Manuel Valls. Lequel est justement le représentant de «la gauche sociale-démocrate, républicaine et de gouvernement» chère à Le Guen. Il y a trois ans déjà, le Premier ministre de l'époque avait dénoncé cette «violence qui vient de l'ultragauche radicalisée» après une manifestation à Nantes contre l'aéroport Notre-Dame-des-Landes (on revient à la Zad).
Comme le rappelle Le Monde Diplomatique, la gauche radicalisée était aussi coupable pendant les manifestations contre la loi travail. «Des centaines d'articles et de reportages ont dénoncé "une radicalisation tous azimuts" (journal télévisé de France 2, 23 mai) de la Confédération générale du travail (CGT), dont les militants exerçaient le droit de grève. "La France est soumise aujourd'hui à deux menaces qui, pour être différentes, n'en mettent pas moins en péril son intégrité : Daech et la CGT", pontifia Franz-Olivier Giesbert dans Le Point (2 juin 2016)», peut-on lire dans un numéro spécial du mensuel consacré aux «radicalisations». A Rennes, le procureur aussi avait évoqué les «radicalisés appartenant à l'ultragauche» à propos de casseurs. Pendant le premier débat de la primaire à gauche, Vincent Peillon expliquait déjà qu'«une partie entière du PS s'est radicalisée», rappelle par ailleurs Le Figaro.
Qualifier Hamon de représentant de la gauche «radicalisée» est désormais devenu un élément de langage des vallsistes. Juste après le deuxième tour, des députés vallsistes affirmaient dans une tribune au Monde ne pas vouloir prendre part à la campagne présidentielle. Notamment car, «nous ne pensons pas davantage que l'avenir puisse passer par cette aventure aléatoire à laquelle nous convierait une gauche radicalisée». Ils étaient menés par Christophe Caresche, lequel expliquait au JDD dimanche dernier qu'il ralliait Emmanuel Macron et que Benoît Hamon «amène le PS à se radicaliser».
Le Guen a donc repris aujourd'hui un élément de langage qui tourne depuis plusieurs semaines. Et pour cause, comme l'a fait remarquer Cécile Duflot grâce à un montage sur Twitter, ce n'est pas la première fois que ce fidèle de Valls utilise le terme pour désigner ses adversaires. Sur Europe 1 jeudi dernier, c'est Martine Aubry qui en faisait les frais.
En fait c'est simple : quand tu défends des idées de gauche ou écolo, tu es radicalisé pour Jean-Marie Le Guen...... #CQFD pic.twitter.com/yj6UgHRAwD
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) February 28, 2017