Un programme présidentiel? N'y pensez pas, c'est tellement daté… Le FN, pour 2017, a un «projet». Ce qui n'est pas la même chose. La différence, c'est Jean Messiha, coordinateur dudit projet qui nous l'expliquait très sérieusement il y a quelques semaines : «En 2012, nous avions un programme. Là, nous avons un projet, c'est-à-dire que nous donnons des grandes lignes. Pas de document de 200 pages pour détailler des mesures, mais 144 propositions, qui donnent une vision de la France.» Et Messiha de dégainer, à chaque fois qu'on lui demandait des réponses précises, son concept fétiche – emprunté au pire langage techno (il est énarque)- : la «granularité». «Nous ne descendons pas dans ces niveaux de granularité.» Bref, une vision. Une direction. Mais pas de précisions.
Convenons avec Messiha que le niveau de granularité du Front national est assez faible sur de nombreux sujets. On connaît le niveau d'économies global du FN (80 milliards). Pour le reste, il faut se contenter d'une ventilation sommaire : le FN économisera par exemple 15 milliards sur l'immigration (où ? quand ? comment ?). On a pu voir (entendre, plutôt) ce mardi matin sur France Inter, un autre exemple de ce flou. David Rachline ramait dur pour essayer d'expliquer les propos du week-end de Marine Le Pen menaçant les fonctionnaires se rendant complices de la «cabale» (sic) dont elle est l'objet. Rachline tenta la diversion en assurant que si une «purge» des fonctionnaires menaçait, c'était bien du fait de François Fillon dont le programme prévoit 500 000 suppressions de postes dans la fonction publique. Certes. «Et dans votre programme, lui demanda-t-on, c'est combien de postes de fonctionnaires en moins ?» Rachline a donné sa langue au chat et essayé de s'en sortir : «N'ayez pas l'esprit comptable! L'objectif d'un candidat à l'élection présidentielle, c'est de présenter un certain nombre de projets pour notre pays !»
Au passage, Rachline ajouta au flou des chiffres le flou conceptuel, affirmant : «Nous ne supprimerons aucun fonctionnaire, nous ne remplacerons pas certains départs à la retraite.» Soit exactement la même chose que ce que proposent François Fillon ou Emmanuel Macron (qui n'ont jamais évoqué de licenciements ni de suppressions physiques de fonctionnaires, à notre connaissance). A la différence qu'on connaît l'objectif chiffré du candidat LR ou du candidat ni droite-ni gauche. Pas celui du FN, donc. A la fin de la séquence, il fut rapporté à Rachline une certaine frustration des auditeurs devant le manque de précisions de ses affirmations. Grand seigneur, Rachline a promis d'envoyer des lettres aux auditeurs qui voudraient en savoir plus : «Je serais ravi de répondre à vos auditeurs, ils peuvent m'écrire, et je leur donnerai tous les détails qu'ils veulent, y a pas de problème.» Pour les autres qui n'écriront pas à France Inter, il faudra se contenter de la vision générale esquissée par le «projet». Car le FN, qu'on se le dise, plane bien au-dessus de la granularité de ces contingences comptables.