Qu'on flanche à Paris et il s'accroche dans le Gard. Si la journée de jeudi a vu un à un des élus LR jeter l'éponge, François Fillon, en déplacement et en meeting à Nîmes, plus que jamais, veut afficher sa détermination absolue à continuer coûte que coûte. Sans qu'il fasse jamais allusion aux défections en cascade, ses anciens soutiens de plus en plus nombreux à le lâcher sont avertis : «Tout ce qui ne tue pas me rend plus fort », lance-t-il devant des militants, venus par car de tous les départements alentour. Comme si, loin du tumulte de la capitale, il pouvait carburer à l'énergie de ses supporters très chauds et remontés : «Votre force décuple ma volonté de vaincre, je n'ai pas l'intention de me coucher» les rassure-t-il, s'attirant des «Tiens bon François». Le voilà qui se dépeint sans broncher comme «un de ces combattants balafrés qui n'ont pas appris la vie seulement dans les livres». Oui oui, l'élu sarthois bien mis et propre sur lui, qui la joue bête blessée et candidat enragé. Puis il a servi le couplet des dernières semaines de crise : «les attaques d'une violence sans commune mesure», «la machine à broyer, la machine à scoop et à rumeurs». Et le curieux scénario complotiste : si c'est lui qui est pris pour cible, c'est à cause de son programme corsé de rupture libérale.
Plus tôt dans la journée, il avait déjà voulu croire que l'électorat de droite, lui, ne chancelle pas – pas comme les lemairistes et juppéistes qui se retirent de la campagne : «La base tient». «Je m'appuie sur les Français, ce sont les Français qui se prononceront», prévient-il.
Quatre minutes de promenade
Lui qui avait péniblement lancé une séquence «agriculture» cette semaine, totalement éclipsée par son mercredi noir, s'est efforcé de s'intéresser aux vignes des environs de Nîmes. Une généreuse promenade de quatre minutes montre en main, sur un chemin de terre. Accompagné des députés Valérie Boyer, Eric Ciotti et Luc Chatel, il écoute deux jeunes responsables de syndicats agricoles qui lui présentent les spécialités locales, des vins de pays à la culture taurine. Il hoche la tête mais semble loin. «Bon vous allez m'expliquer tout ça», lâche le candidat… qui tourne des talons, poursuivi par la nuée de journalistes. Planté dans les champs, le jeune exploitant rouspète: «On pourra peut-être lui parler agriculture quand ils auront fini de lui poser des questions sur les gens qui s'en vont…» Celui-ci, invité à déjeuner avec Fillon, d'autres viticulteurs et des élus nîmois, aura sans doute eu plus de chance que les médias. «Vos questions n'intéressent que vous», lâche-t-il, interrogé sur les défections en série au sein de LR. Et d'asséner un grand classique du Fillon lorsqu'il envoie paître la presse : «Je ne parle jamais en marchant, vous devriez le savoir».
On voit le candidat en pointillé, le moins possible. Quelques images et hop, il s'engouffre dans sa voiture à distance des journalistes. Plus grand monde autour de lui pour prêcher la bonne parole. Parmi les soutiens qui restent, la fidèle Valérie Boyer continue d'espérer «un vote caché pour Fillon» comme celui qui a permis son triomphe surprise à la primaire de novembre.
Demi-sourire
A la réunion organisée avec des rapatriés du Gard dans l'après-midi, Fillon trouve tout de même un bref répit. Le candidat de la droite, même empêtré dans son affaire d'emplois présumés fictifs, est clairement le genre de beauté des représentants des associations de harkis et de pied-noir conviés autour de la table. «Je suis un ami de François Fillon, et encore plus ami et solidaire depuis hier», «On essaie de vous soutenir… ce qui s'est passé cette semaine on oublie», «Bonjour et bon courage dans euh… votre entreprise». Du miel aux oreilles du candidat qui décoche un demi-sourire, pendant que tombe le communiqué de presse de trois juppéistes annonçant leur retrait de la campagne. Puis il file au meeting. Aux abords de la salle nîmoise, les militants anti-Fillon qui tambourinent sur leurs casseroles défient les militants Les Républicains. Fanions rouges du Front de gauche contre drapeaux tricolores. «En prison, rends le pognon» contre «connards au goulag !». Voilà qui promet avant son rassemblement de dimanche au Trocadéro.