Pendant la présidentielle, Libé sonde, chaque jour de la semaine, cinq lieux différents de la «France invisible». Le lundi, une maison de retraite à Montpellier (Hérault).
Ce matin, un vent de révolte souffle sur la résidence pour personnes âgées. La tempête de la nuit a fait quelques dégâts dehors, mais dedans le pire semble à venir.
Fernande est pro-Hamon. Tous les autres, pro-Fillon. Fernande attaque : «Quelqu'un ici avait dit que Fillon serait président, eh bien on dirait qu'il s'est trompé !» Marie, piquée au vif, réplique : «Eh bien si, figurez-vous, il va quand même se présenter, j'en suis sûre !» Fernande riposte : «Il ne va pas être président, c'est évident ! C'est perdu d'avance et c'est pas la peine d'ameuter tout le monde pour si peu !» Intervention de Maurice : «Moi j'espère qu'il va y aller, parce que c'est un homme d'Etat, le seul capable de représenter la France !» Nouvelle contre-attaque de Fernande : «C'est un menteur. Un type à qui on ne peut pas se fier.» Marie n'en reste pas là : «Si j'avais été valide, j'y serais allée à la manifestation de dimanche, à Paris !» L'arrivée de Marie-Rose, de Mireille et de Bernard nous sauve du pugilat. Mais l'ambiance reste électrique. «Si Fillon n'est pas au premier tour, je ne voterai pas, pour la première fois de ma vie», avertit Bernard. «Moi non plus», tranche Maurice, qui trouve que Juppé «est trop âgé» et qu'«il n'a pas l'envergure». Marie non plus n'ira pas voter si Fillon renonce. «Donc vous laissez vos voix à d'autres partis, déplore Marie-Rose. Moi, quoi qu'il arrive, je voterai pour le candidat de la droite.»
A part Fernande, tous ici se disent écœurés par la tournure de la campagne. Même s'ils sont plusieurs à croire à un rebondissement permettant de sauver leur champion, le lâchage de Fillon par nombre de ses soutiens a aggravé leur révolte. «Ses amis lui font plus de mal en démissionnant que ses propres adversaires», analyse Bernard. Mireille se demande si Hollande ne devrait pas intervenir «pour nous sortir de cette impasse et trouver des solutions qui puissent aussi servir à l'avenir…» Bernard n'y croit guère : «La meilleure chose qu'il ait à faire, c'est encore de se taire.»