Menu
Libération
Reportage

A Marseille, Benoît Hamon cherche le déclic

Alors que sa campagne peine à se faire entendre entre l’affaire Fillon et les menaces de vote utile pour Macron, le candidat était à Marseille mardi. Il tente de se relancer, avançant la présentation de son projet global et amorçant une défense du quinquennat pour rassembler le PS.
Benoît Hamon avec le député des Bouches-du-Rhône Henri Jibrayel et des militants PS, mardi devant le cinéma Alhambra de Marseille. (Photo Patrick Gherdoussi pour Libération)
publié le 7 mars 2017 à 20h56

Il avait besoin d'un bol d'air. Pas forcément du mistral qui le pousse ce mardi à s'emmitoufler dans son caban dans les rues du centre-ville de Marseille, mais de cette respiration populaire censée l'aider à gonfler les voiles de sa campagne. «Bonjour ! Ça va bien ?» En ce début d'après-midi, en retard sur son programme, le candidat socialiste a supprimé la visite d'une maison de retraite pour «déambuler» avec le député PS du coin, Patrick Mennucci. Et «ça fait du bien», lâche-t-il. Peu importe si certains le confondent de loin avec Emmanuel Macron ou qu'une femme, à contretemps, lui demande : «Tout, mais surtout pas Valls.»

«Qu'est-ce qu'il fait là ? Il s'est perdu ?» interroge une passante. Hamon multiplie les selfies, s'extrait des journalistes pour entrer chez un coiffeur ou faire la bise à «Rachida» dans une rôtisserie avant d'enquiller sur le cours Belsunce. Dans le quartier de Noailles, de l'autre côté de la Canebière, le socialiste est au moins identifié sur deux mesures. Un jeune l'aborde sur la «dépénalisation» du cannabis, il corrige : «Légalisation.» Puis un autre balance : «Le revenu universel c'est de la bombe !» Pose photo obligatoire avec le maillot de l'OM.

«Pas comme Jospin»

Hamon est venu dans le Sud, au jour de l'obtention de ses 500 signatures, relancer une campagne à la peine. Après s'être englué dans les négociations avec les écologistes et de (fausses) discussions avec Jean-Luc Mélenchon, le candidat du PS galère à faire entendre ses propositions : la faute au feuilleton de l'affaire Fillon et aux appels au vote utile de sa famille politique en direction de Macron. Dernier en date : Claude Bartolone, le président de l'Assemblée, qui menace de se tourner vers le candidat d'En marche. Ça ne prend pas ? «Je ne ferai pas comme Jospin en 2002 […] On va revoir notre approche, confie-t-il à Libé. J'ai une difficulté, je me rends compte que la stratégie qu'on avait choisie et qui consiste à perler les propositions, à thématiser, ça ne marche pas à cause des histoires Fillon qui saturent l'espace public. Aucune autre proposition ne peut émerger.»

Le socialiste va donc avancer à la semaine prochaine la présentation de son «projet global» et préciser dès jeudi une refonte de son revenu universel d'existence (lire ci-contre). «Il faut revenir à des méthodes plus classiques : réussir à structurer le débat autour de mes propositions», explique-t-il. S'il ne veut plus «thématiser» ses sorties, il compte cependant axer une partie de sa campagne sur la question du «vieillissement» et de la «solidarité intergénérationnelle», comme mardi soir à Marseille dans son discours au parc Chanot. «Benoît s'est construit comme le candidat des grandes transitions - écologique, travail et démocratique -, il y en a une quatrième : la transition démographique», souligne l'un de ses soutiens, le socialiste Jérôme Guedj. Le but : faire mouche sur plusieurs générations. A la manière d'un Hollande parlant de la jeunesse en 2012 pour obtenir le vote de leurs parents et grands-parents.

«Benoît flotte»

Ce sujet, comme celui de l'école, lui permet au passage de batailler contre Macron, repeint désormais en «candidat de centre droit». Hamon riposte à la retraite par points proposée par le candidat de En marche, en défendant la réforme de… Hollande. Du coup, sans grand coup de barre, Hamon revient par petites touches dans l'axe de sa famille politique : il parle services publics, «bilan santé» de Marisol Touraine, «compte pénibilité», création de postes de policiers… Et le voilà qui défend une partie du bilan du quinquennat, comme le réclamaient certains hauts responsables socialistes.

Dans le quartier de Belsunce, à Marseille. Photo Patrick Gherdoussi pour Libération

Autre socle sur lequel Hamon compte s'appuyer pour se relancer : l'Europe. «C'est son plus gros point fort, appuie le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Benoît a trouvé un axe politique, celui de la refondation, qui peut unir les différents courants progressistes. Il tranche avec Mélenchon et ça le rapproche du centre gauche.» Pour crédibiliser le tout, Hamon a prévu fin mars une visite à Berlin pour rencontrer le candidat social-démocrate, Martin Schulz. Avant un déplacement dans les Antilles ce week-end, Hamon sort en librairie son manifeste intitulé Pour la génération qui vient (Ed. Equateurs) et passe jeudi par l'Emission politique de France 2. Celle-là même qui l'avait révélé début décembre au grand public.

«On attend le même type de déclic», fait valoir un membre de son équipe, qui ne nie pas les «difficultés». Car au QG aussi c'est compliqué. Hamon a réussi sa primaire avec un tout petit groupe de proches, soudés et entièrement dédiés à sa cause, ce qui donnait à l'ensemble souplesse et réactivité. Depuis, des dizaines de socialistes et écolos ont été intégrés. Les décisions sont plus compliquées, les réunions parfois interminables : lundi matin, ils étaient près de vingt autour de Hamon pour préparer France 2. Pendant deux grosses heures, tout le monde voulait donner son avis sans jamais rien trancher. Or «quand c'est approximatif, Benoît flotte», reconnaît un proche.

Résultat, sur la forme aussi, le socialiste, amateur de rugby, revient aux fondamentaux. Fini les discours sans notes, Hamon fait désormais appel à plusieurs plumes, se pose derrière le pupitre (sans s'interdire d'en sortir) et s'est résolu à faire jouer la Marseillaise. «Je l'ai vu à Brest, assure-t-il à Libé, les responsables de mon parti attendent une forme qui les rassure.» Lui aussi apparemment.