Scandale après scandale, la transparence sur le profil de nos parlementaires gagne du terrain. Depuis 2012, députés et sénateurs sont tenus de publier une déclaration d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, où figurent, notamment, leurs activités et revenus annexes ainsi que le nom de leurs collaborateurs. Avec l’affaire Fillon, c’est la liste des assistants parlementaires - souvent mise à jour avec retard par la Haute Autorité - qui a été réactualisée par le Palais-Bourbon. Avec ces deux sources, il est désormais possible d’avoir une photo un peu plus claire de nos représentants, et de leurs potentiels conflits d’intérêts. Exemple avec l’Assemblée nationale.
Des collaborateurs dans la famille…
Au moins 119 députés emploient ou ont employé un membre de leur famille. Soit environ 21 % de la Chambre basse (voir infographie). En tête des collaborateurs familiaux, les conjoints : 56 députés embauchent ou ont embauché leur femme ou compagne, et 6 députées leur mari. Parmi les plus connus : Yves Jégo (Seine-et-Marne), Jean-Christophe Lagarde (Seine-Saint-Denis), Eric Ciotti (Alpes-Maritimes), Jean-François Copé (Seine-et-Marne), Patrick Devedjian (Hauts-de-Seine), Jean-Louis Touraine (Rhône), Frédéric Lefebvre (Français de l'étranger), Nicolas Dupont-Aignan (Essonne), Gilbert Collard (Gard), Marc-Philippe Daubresse (Nord), François Fillon (Paris) et Thierry Solère (Hauts-de-Seine).
Viennent ensuite les enfants (50) et, de façon résiduelle, les cousins, belles-filles ou gendres. Sont concernés notamment Jean-François Mancel (Oise), Jacques Bompard (Vaucluse), Claude Goasguen (Paris) et Pierre-Alain Muet (Rhône). Parmi ces 119 parlementaires, 11 emploient ou ont employé au moins deux membres de leur famille en même temps.
Classée par groupes politiques, la répartition des députés employant un proche donne un net avantage à la droite : ils sont membres du groupe UDI à 44 %, puis LR (29 %), Radical, républicain, démocrate et progressiste (PRG, Modem… 17 %), Socialistes (14 %), Gauche démocrate et républicaine (PCF et Parti de gauche, 7 %). Sans compter deux d’extrême droite (Bompard et Collard) sur les trois que compte l’Assemblée.
…qui multiplient les postes
Certains de ces collaborateurs familiaux cumulent également leur job d’assistant parlementaire avec un autre travail, sans qu’il soit toujours indiqué clairement la part du temps consacré à chacune des deux fonctions. On compte ainsi parmi les assistantes parlementaires une apprentie actrice, deux responsables d’agences de com, une infirmière puéricultrice, une viticultrice ou encore une responsable de chambre d’hôtes.
Les conjoints collaborateurs sont aussi parfois élus. Parmi les plus notables : Aude Lagarde, épouse du député Jean-Christophe Lagarde, qui fut tout à la fois son assistante à l’Assemblée, sa première adjointe à la mairie de Drancy mais aussi conseillère régionale d’Ile-de-France. La femme d’Eric Ciotti a aussi cumulé le poste de collaboratrice parlementaire de son mari avec celui de directrice de cabinet adjointe du maire de Nice, avant de devenir directrice des services d’une autre commune. Cas étrange, enfin : un assistant du député de Corse-du-Sud, Camille de Rocca Serra, qui fut aussi juge à la cour administrative d’appel de Marseille.
D’une manière générale, qu’ils aient des liens familiaux ou non avec leurs députés, une trentaine de collaborateurs cumulent leur job à l’Assemblée avec une fonction élective ou un autre emploi. Une petite dizaine de députés, enfin, déclare un collaborateur comme chauffeur.
Des députés avec d’autres métiers
Si de très nombreux députés cumulent leur mandat à l’Assemblée avec une autre fonction élective, et donc, dans une certaine mesure, les indemnités qui vont avec, ils sont également une soixantaine à occuper une activité professionnelle dans le privé (environ 10,5 % des députés). Pour la moitié d’entre eux, les revenus qu’ils en tirent sont inférieurs à 3 000 euros par mois. Souvent des exploitants agricoles aux revenus modestes, des chargés de cours à l’université ou des responsables de petites entreprises.
Mais pour l’autre moitié de ces élus, la rémunération complémentaire peut atteindre des sommets. Au point de s’interroger sur leur capacité à cumuler ces activités avec leur fonction de député. Une grande partie d’entre eux est d’abord avocat, comme Jean-François Copé (314 000 euros en 2012), Frédéric Lefebvre (207 000 euros en 2013), Pierre Lellouche (293 000 euros en 2014), Gilbert Collard (192 000 euros en 2013) ou encore Yves Jégo (61 000 euros en 2012). D’autres indiquent leur qualité d’avocat sur leur déclaration, sans mentionner une quelconque suspension, mais sans préciser le niveau de rémunération.
Second métier lucratif, proche de celui d’avocat, le conseil. Une activité prisée par François Fillon (200 000 à 300 000 euros par an), Luc Chatel (183 000 euros en 2013), Thierry Solère (144 000 euros), Jean-François Copé (35 000 euros en 2013), Edouard Courtial (86 000 euros pour MSH International), Malek Boutih (42 000 euros pour Skyrock) ou encore Daniel Fasquelle (15 000 euros). Une profession encore marginale parmi les représentants du peuple mais qui figurent parmi les plus susceptibles, avec celle d’avocat, de générer des conflits d’intérêts. D’autant que les noms des clients ne sont pas déclarés à la Haute Autorité.
Autres professionnels assez présents dans l'hémicycle : ceux du monde médical. Si certains n'exercent plus qu'à titre symbolique, ou se déclarent dentiste «à temps partiel et en déficit», plusieurs semblent encore proches de leurs patients. Comme l'ophtalmologiste Dominique Orliac (90 000 euros par an), le praticien hospitalier et prof de médecine Jean-Louis Touraine (96 000 euros), le médecin du travail (chez Generali) Gérard Sebaoun (57 000 euros à «temps partiel»), le chercheur et praticien hospitalier Arnaud Robinet (42 000 euros) ou encore le pharmacien Jean-Pierre Barbier (36 000 euros).
D'autres, au lieu de réduire leur activité une fois députés, l'ont au contraire accrue, comme le député Michel Sordi (Haut-Rhin), dont le job comme chargé de mission chez le cimentier Holcim est passé de 7 800 euros par an à 40 000 euros depuis 2014. A relever, également, dans une liste à la Prévert : deux agents d'assurances, dont l'un à 450 000 euros par an, un représentant en vins «payé à la commission», un ancien ministre des Transports (Dominique Bussereau) membre du conseil d'administration du transporteur maritime CMA-CGM en échange de 8 000 euros en 2014, un salarié de la Caisse d'épargne (54 000 euros par an), le directeur général du groupe de joaillerie Vendôme (42 000 euros par an), un concessionnaire Peugeot (46 000 euros en 2013) ou encore le plus riche de tous, Olivier Dassault (3 millions d'euros de dividendes en plus des quelques centaines de milliers d'euros de revenus annuels).
Perle de la singularité : le député UDI Stéphane Demilly (Somme), dont la profession consiste à donner, pour 40 000 euros par an en 2014, des conférences sur le «modèle Herrmann, modèle d'analyse des préférences cérébrales et comportementales».