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Libération
La campagne vu de gauche

Les six millions de votants aux deux primaires n’y sont pas allés pour rien

Thierry Mandon, à Paris, en novembre 2013 (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 9 mars 2017 à 20h26

Chaque vendredi, Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, chronique la campagne électorale.

La faute des primaires ? Quelques semaines après les primaires de la droite et de la gauche, la situation politique ne s’est pas éclaircie. Les candidatures légitimées par le vote des citoyens sont ouvertement contestées - désertions en masse à droite, mobilisation pudique à gauche -, au point que des observateurs en mal d’analyse glosent sur l’effondrement des partis de gouvernement, en rendant responsable le processus des primaires. Ces analyses de circonstance ne manquent pas de sel. En l’absence de primaires, la configuration des candidatures aurait été différente. Cela eût-il été mieux ? Nicolas Sarkozy ne me manque pas. On ne voit par ailleurs pas en quoi l’absence de primaires aurait diminué le nombre des candidats. Au contraire, aux hommes providentiels déjà candidats se seraient probablement ajoutées des candidatures de refus de procédures de bureau politique. Le trouble n’en eût été que plus grand si cela est possible. Plus grave dans la contestation des primaires : sans elles ne demeure que la théorie de la rencontre à l’occasion de l’élection présidentielle entre un homme et le peuple - le mythe gaullien pour faire vite.

Rien ne serait démocratiquement plus dommageable que la persistance artificielle de cette dangereuse et surannée illusion. Dangereuse car ce mythe aspire avec lui toute organisation d'une vie démocratique structurée. Si un homme ou une femme suffit, à quoi bon des partis politiques, un club de supporteurs fera très bien l'affaire. Et à quoi bon des corps intermédiaires puisque la relation entre le président et le peuple est fusionnelle. La théorie de la «rencontre» porte en elle les germes de l'autoritarisme. Il suffit d'écouter Mme Le Pen ou, sur un autre plan, M. Mélenchon pour s'en convaincre. Surannée car c'est ne rien comprendre aux évolutions en cours. Emerge sous nos yeux la revendication d'une société à être plus active dans la vie démocratique, plus exigeante sur les valeurs publiques, plus adulte dans ses rapports avec les gouvernants. Les plus de 6 millions de votants aux deux primaires (presque 20 % des votants du second tour de la présidentielle de 2012 !) ne se sont pas déplacés pour occuper leur dimanche. Ils ont voulu choisir, traduisant ainsi la volonté de la société d'«en être». Le temps ne sera jamais plus à la cooptation des candidats, ni aux arrangements entre soi. Turpitudes post-primaire à droite ; désaccords politiques non réglés à gauche : il ne faut pas jeter le bébé des primaires avec l'eau de leur bain.