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Libération
Les agitateurs de «Libé»

La victoire idéologique de Marine Le Pen

publié le 10 mars 2017 à 20h26

La semaine dernière, le programme de Marine Le Pen a eu les honneurs de la presse américaine. «Il y a une chose très importante, et très vraie, dans le programme de Marine Le Pen», selon le journaliste de Vox Matthew Yglesias, situé plutôt à gauche. Dans le Wall Street Journal, un autre article essayait d'envisager l'impact sur l'économie française du programme du Front national, pour conclure qu'il aboutirait à une forte croissance initiale (à condition de bien gérer la disparition de l'euro, ce qui n'est pas une mince affaire) même si ses conséquences à long terme seraient très négatives. Même le New York Times a publié un éditorial vantant les mérites de certains aspects du programme lepéniste.

Tous ces articles comportent un argument commun : la France est pour l’instant handicapée par les politiques européennes, et seuls les candidats populistes, en particulier le Front national, le disent franchement. Tous les autres candidats sont soit silencieux sur le sujet, soit préconisent d’aller chercher des accommodements à Bruxelles (on sait ce que cela a donné), soit se satisfont des politiques européennes qu’ils voient comme une façon de supprimer les particularismes de l’Etat providence français. La seule réponse que cette critique de l’euro suscite est : «Ce n’est pas sérieux.» Et c’est vrai que sortir de l’euro serait un cauchemar d’organisation, qui causerait un très probable chaos général. Un élément de comparaison dont disposent les économistes est le cas argentin : la décision de ne plus honorer la dette et de dévaluer a, après six mois de crise, permis de relancer l’économie du pays jusqu’à ce que les politiques populistes finissent par provoquer le retour de l’inflation et la croissance zéro. La tentation du saut dans le vide peut donc exister chez beaucoup de Français. Mais comme le dit le proverbe allemand, mieux vaut parfois une fin douloureuse qu’une souffrance sans fin.

Dans le même temps, il y a un domaine dans lequel les idées de Marine Le Pen ont remporté une victoire intégrale, c’est l’immigration. Aucun candidat n’ose s’affirmer en faveur de plus d’immigration en France. La gauche se demande quelle fraction (pas trop grande) de la misère du monde il faut s’infliger pour se donner bonne conscience, la droite ne veut pas en entendre parler. Pour tous, l’immigration est une charge, un fléau qu’il faut minimiser autant que possible. Personne n’ose affirmer que la France a besoin de plus d’immigration économique, que c’est la condition de son dynamisme futur. Alors que cette idée est remarquablement banale pour quiconque connaît un peu l’économie des migrations. Marine Le Pen perdra parce que la sortie de l’euro fait trop peur aux gens, mais elle a gagné en pratique la bataille des idées sur l’immigration.