Le revirement est passé inaperçu. Dimanche soir, au JT de TF1, Emmanuel Macron a envoyé un message subliminal à ceux qui, au PS et jusqu'à l'Elysée, pensaient sa campagne soluble dans leur calendrier. Une phrase a suffi au candidat d'En marche pour rappeler aux négociateurs de coulisse que sa dynamique ne s'accommoderait pas de leurs atermoiements. Qu'a donc dit Macron ? «Les législatives permettront de constituer une majorité de réforme qui est celle qui nous permettra justement de voter nos textes de loi.» Une «majorité cohérente», a-t-il ajouté. Vu le déploiement spectaculaire du mouvement En marche depuis sa création le 6 avril, et l'envolée de l'ex-ministre dans les sondages, le candidat fait a priori le pari de rafler à lui seul la moitié des sièges de l'Assemblée nationale.
Le hic, c'est que quinze jours plus tôt, l'analyse de Macron était bien différente. «Est-ce que quelqu'un peut penser raisonnablement, qu'élu président, un des candidats aura une majorité présidentielle uniquement avec son parti ? Moi je n'y crois pas», avait fait valoir le candidat lors d'un meeting à Angers, avant de dire miser sur une «majorité de coalition pour gouverner». En clair, En marche se tenait prêt à signer des accords avec l'UDI ou le PS sur la base d'un «contrat de gouvernement» de sorte à disposer à l'Assemblée d'une majorité décidée à mettre les réformes en musique.
Double mérite
Pour Macron, un tel scénario avait un double mérite : se prémunir contre un retour de fortune aux législatives et préserver l’identité «droite-gauche» de son mouvement. A l’exception du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, attendu à bras ouverts, pas question de transformer En marche en refuge pour ténors socialistes marginalisés…
De leur côté, bien que mécontents de la campagne de Benoît Hamon, hollandais et vallsistes n’envisageaient pas non plus de quitter un parti aux caisses pleines, dont ils espèrent reprendre le contrôle après la présidentielle. Pour rendre possible un accord futur avec En marche, l’idée d’un soutien collectif et sans condition à Macron au nom du «vote utile» faisait donc son chemin. Il suffisait d’être patient.
C'est cette invitation à la patience que Macron a, dimanche, décliné. A accepter d'attendre, il risquait de perdre la main. Déjà, les pressions exercées sur Jean-Yves Le Drian ont retardé son ralliement, peut-être pire. Et pendant ce temps, Benoît Hamon lâche ses coups : le candidat du PS n'a-t-il pas qualifié son programme de «marche pied du FN» ? L'hostilité est trop ouverte pour penser construire une «majorité cohérente». Convaincu que les électeurs socialistes lui accorderont le soutien que leurs élus lui mégotent pour l'heure, Macron en revient à son credo initial : tabler sur ses seules forces pour l'emporter et gouverner.