Pendant la présidentielle, Libération va sonder, chaque jour de la semaine, six lieux différents de la «France invisible». Ce jeudi, un club de handball près de Marseille.
Didier et Jean-Claude sont arrivés premiers ex aequo dans le vestiaire. En attendant les autres, ils refont le match du week-end. Dans leur viseur, un équipier indiscipliné. «Le problème, c'est que tu peux annoncer n'importe quelle combi, il fait comme il veut !» peste Jean-Claude. Au handball, les combinaisons sont imposées par le meneur de jeu à son équipe à chaque reprise de balle, explique le quinqua. «Il suffit qu'il y en ait un qui fasse n'importe quoi pour que plus personne ne comprenne rien.»Tiens, ça lui rappelle quelqu'un… «Je me faisais la réflexion en pensant à Fillon : quand tu regardes ce qu'il a pu dire et ce qu'il fait aujourd'hui… Comment ce type peut-il être encore crédible ?»
Didier est largué : «Déjà, à la base, la politique, c'est pas trop mon truc. Mais là, je suis dans le noir complet sur mon vote, je ne l'avais jamais été à ce point.» Pas même la fois où, faute de candidat à son goût, il avait glissé un bulletin «Matt Damon» dans l'urne… Jean-Claude, lui aussi dépité, a choisi de ne plus voter depuis quelque temps déjà. Le chaos actuel ne devrait rien arranger : «Sauf que ce matin, j'ai réfléchi. Tu ne peux pas avoir foi dans les politiques, c'est un constat. Deux réactions : soit tu t'abstiens, ce que j'ai fait pendant des années, mais du coup tu fais leur jeu - quand tu entends Le Pen dire que le FN est le premier parti de France alors qu'ils n'ont que 4 millions d'électeurs… [6 millions en fait, ndlr] -, soit tu vas voter pour éliminer ceux que tu ne veux pas voir. C'est ce que j'ai décidé de faire : voter pour ne surtout pas avoir Fillon ou Le Pen !» Son vote ira à Macron, «le seul qui paraisse un peu neuf et qui prône l'union».
Nico déboule, déjà dans son jogging. Voter utile ? Il a trop donné : «Quand j'ai vu Fillon au Trocadéro, il m'a tellement énervé que j'ai même envisagé de voter Le Pen au second tour !» De retour sur terre, il mise tout sur la VIe République de Mélenchon. «Mais j'ai peur que le système soit plus fort que tout. Je me pose parfois la question d'abdiquer…» Voire de voter Matt Damon.