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Enjeu

A Bercy, Hamon veut percer le «double plafond de verre»

Le candidat PS tient dimanche à Paris son plus grand meeting de campagne, espérant décoller entre affaires Fillon et tentation Macron.
Réunion publique de Benoit Hamon à l'Acropolis de Nice le 15 mars. (Photo Laurent Carre pour Libération)
publié le 18 mars 2017 à 14h06
(mis à jour le 18 mars 2017 à 16h18)

Sous l'inventaire à la Prévert - 130 cars partis à l'aube des quatre coins de la France pour rallier Paris, 15 000 personnes attendues, 300 journalistes accrédités, 10 000 drapeaux distribués - l'enjeu est capital. A un mois du premier tour de la présidentielle, Benoît Hamon tient dimanche son plus grand meeting de campagne, à Bercy, avec l'espoir que cette démonstration de force le fasse enfin décoller dans les sondages. La séquence a été pensée comme une pièce en trois actes: présentation du programme jeudi - roboratif, 198 mesures en tout - meeting parisien et débat télévisé de lundi face aux quatre autres principaux candidats à l'Elysée. Mais dimanche «contient une charge symbolique et politique extrêmement forte», concède Régis Juanico, mandataire financier de la campagne et conseiller de Hamon.

Cinq ans après le discours du Bourget, qui avait définitivement installé François Hollande dans le rôle du favori de la présidentielle 2012, le candidat socialiste doit essayer de convaincre les électeurs de gauche qu'il est leur meilleure chance en mai. Lui et non Emmanuel Macron. «Notre problème ce n'est pas que les Français rejettent nos propositions mais qu'ils ne les entendent pas derrière le bruit des affaires de Fillon et le buzz sur un prétendu vote utile pour Macron, déplore le co-directeur de campagne, Matthieu Hanotin. Bercy va démontrer qu'on peut percer ce double plafond de verre.» Plus que les sondages sur les intentions de vote, l'équipe de campagne passe au crible les tableaux analysant la «certitude du vote». Or, depuis deux semaines, celle de Mélenchon est en baisse et celle de Macron se stabilise alors que celle de Hamon frétille à la hausse. «Le coup est jouable, il faut s'échapper et solidifier en même temps», résume un proche du candidat.

Gabrielle Gualar, discrète star

Au moment où Hamon entrera en scène dimanche, François Hollande visitera le château de Chambord avec la ministre de la Culture Audrey Azoulay. Comme depuis le début de la campagne, la vaste majorité du gouvernement s'est faite porter pâle, préférant ne se montrer dans aucun camp pour l'instant. Depuis fin janvier, «le décompte de ceux qui ne sont pas là, on a appris à vivre avec», élude Régis Juanico. Invisible jusqu'alors, la compagne de Benoît Hamon, Gabrielle Gualar, sera présente au premier rang pour la première fois. Une présence intime pour combler les vides politiques, comme une ultime preuve que l'heure est grave. Au premier rang aussi la jeune garde ministérielle ayant choisi Hamon - Mathias Fekl et Axelle Lemaire - même si Najat Vallaud-Belkacem et Pascale Boistard, retenues par des engagements locaux, à Villeurbanne et Amiens, ne seront finalement pas sur les photos. Sans faire de discours en bonne et due forme, Christiane Taubira, égérie de la gauche Hamon, sera elle dans le public et chargée de chauffer la salle de son lyrisme gouailleur entre deux intermèdes musicaux des groupes invités, Debout sur le Zinc, Les Yeux noirs et General Elektriks.

De ce genre de grand'messe, ne passent à la postérité que quelques formules choc. En 2012, sur sa tribune du Bourget, François Hollande assurait préférer «les gens à l'argent» et se lançait dans sa tirade sur son «adversaire, le monde de la finance». Pour ce discours de Bercy, les réunions se sont enchaînées, jusqu'à une par jour cette semaine. L'équipe a épluché les discours de Mitterrand, Jospin ou Rocard, pour qui Hamon s'est engagé en politique à la fin de années 80. «Benoît c'est un Rocky (le surnom de l'ancien Premier ministre, ndlR), et les Rocky ne sont pas dans la stratosphère: ils sont les deux pieds dans la glaise de la réalité», rappelle un parlementaire socialiste réfutant le caractère «utopique» du projet du vainqueur de la primaire.

Une campagne délestée de Valls

Ancien directeur de cabinet d'Harlem Désir au PS, Mehdi Ouraoui a repris sa plume pour le candidat socialiste depuis quelques semaines. Il a notamment travaillé sur le discours de Brest dans lequel Hamon brocardait ses adversaires en déclamant: «Ils pensent à la présidence, je pense à la République. Ils ont le sens des affaires, j'ai le sens de l'Etat.» Pour le grand discours de dimanche, qui devrait durer 1h30, Ouaroui a travaillé main dans la main avec l'intellectuel de gauche Raphaël Glucksmann et Jean-Marc Germain, le co-directeur de campagne de Hamon. «Tout ça, à la fin, produit tout sauf une synthèse molle, c'est la nouvelle gauche qui veut», explique l'entourage du candidat. Des rédacteurs nouvelle génération et aux origines différentes dont le symbole plaît à Benoît Hamon, à l'heure de la campagne identitaire de Marine Le Pen.

La commande de Hamon était à la fois simple et sibylline : «Du souffle et de la verticalité.» Autrement dit, exit les perturbateurs endocriniens : il sera question de «relever le drapeau de la gauche», de la place de la France dans le monde et de République pour étoffer le costume du candidat à l'Elysée, identifié sur des sujets de la vie quotidienne jusque-là.

Le régalien, c'était l'apanage de Manuel Valls pendant le quinquennat et mardi, entre autres critiques virulentes, l'ancien ministre a déploré que ces sujets ne soient pas assez pris en compte par Benoît Hamon dans sa campagne. A Bercy, «le sujet n'est pas de répondre à Valls mais de parler aux Français. On est dans la présidentielle, pas les petites polémiques», cingle un lieutenant du candidat. Passé le coup de bambou - Valls a estimé que la ligne Hamon n'avait «pas de futur» - , l'équipe de campagne ne voit désormais que des avantages à cet exil volontaire de l'ancien chef de gouvernement.

«Sa trahison ramène des socialistes perdus vers nous et permet à Hamon de paraître simplement à gauche, délesté de tous les débats identitaires et sécuritaires», analyse une parlementaire. Ce qui permet tout à la fois de rassurer un peu plus les électeurs écolos, d'incarner une forme de «vote utile» à gauche face à Jean-Luc Mélenchon et de réactiver le clivage gauche-droite pour mieux attaquer Emmanuel Macron. Valls qui s'en va, «c'est un poids, un boulet enlevé, confirme Régis Juanico. Cela permet d'affirmer un peu plus la singularité de la candidature de Benoît Hamon». A Bercy, il sera seul en scène.