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Applaudimètre

Au meeting de Fillon, on applaudit l’identité (et on siffle Taubira)

Dis moi ce que tu fais applaudir, on te dira qui tu es. Deuxième épisode : François Fillon en meeting à Pertuis (Vaucluse), hier, mercredi 15 mars.
François Fillon, au Pertuis, le 15 mars. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 18 mars 2017 à 9h25

Quels sujets suscitent le plus les applaudissements dans les meetings des candidats à la présidentielle ? Deuxième épisode de notre série, avec François Fillon, lors de son meeting à Pertuis, dans le Vaucluse, mercredi 15 mars.

1. Un rythme crescendo

Il semble acquis qu'aucun candidat ne parviendra à atteindre la frénésie d'applaudissement entretenue (à grand renfort d'ambianceurs) lors des meetings d'Emmanuel Macron, pendant lesquels le public fait la claque toutes les 50 secondes en moyenne. A Pertuis, François Fillon a été beaucoup plus applaudi à la fin de sa demi-heure de prise de parole qu'au début. Lors des premières minutes, on compte des applaudissements environ toutes les 1min/1min10. Mais à la fin de son discours, le public s'emballe et acclame son candidat toutes les 15/20 secondes.

2. Chez Fillon, les propositions sur l’économie sont accueillies… mollement

C'était le cœur de sa campagne des primaires : des coupes drastiques dans les dépenses publiques, avec notamment la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires. Mais hier dans le Vaucluse, après deux mois de révélations sur le train de vie du couple Fillon, son programme économique, qui vise à garantir un «emploi pour tous» (présenté comme son «premier objectif»), n'a suscité aucun enthousiasme.

Pas un seul applaudissement n'a ainsi ponctué ses propos sur la baisse de «8% du nombre d'agents publics». Et quand Fillon a évoqué la nécessité de sortir des «cadres et des normes» qui «dissuadent l'investissement», les acclamations se font timides.

Seules exceptions à cette apathie économique ? La suppression des 35 heures, applaudie de façon un peu plus chaleureuse. Et dans une moindre mesure, la protection de l'économie française, qui serait «en train de passer sous contrôle de l'étranger».

3. Mais chez Fillon, le public se réveille dès qu’on parle sécurité, immigration et identité

Un thème va débloquer l'ambiance, au bout de presque vingt minutes de discours : la sécurité. «L'ordre ce n'est pas une option. C'est une nécessité pour vivre en paix. La sécurité ce n'est pas un luxe, c'est un droit fondamental», a ainsi expliqué Fillon au bout de 20 minutes. Sa voix, son ton, deviennent plus affirmés, les applaudissements aussi.

Dans la foulée, un des rares «Fillon Président» scandé par le public retentit quand le candidat demande plus de «respect» pour le «courage et le dévouement» des «policiers et gendarmes qui assurent la sécurité des Français». Des premiers «bravo» sonores retentissent ensuite quand le candidat LR fustige l'inéxecution des peines et propose de rétablir les peines planchers automatiques pour lutter contre la récidive.

Fillon tient (enfin) sa salle, il ne compte plus la lâcher. Le candidat LR embraye donc sur l'immigration. Le public exulte et le fait savoir : les applaudissements se font entendre toutes les 15 secondes, par exemple quand Fillon estime qu'il faut réduire l'immigration à «son strict minimum» et évoque sa politique des «quotas». Le public est conquis à la fin de la tirade lorsque Fillon lance : «Les étrangers devront respecter des devoirs avant de réclamer des droits : c'est la raison pour laquelle ils devront attendre deux ans avant de bénéficier de prestations sociales.»

A noter : une mention spéciale à l'applaudimètre des sujets qui touchent à l'école ou à la famille. Le public s'est ainsi emballé lorsque Fillon a expliqué que «nos enfants doivent apprendre à l'école à être fier» de l'histoire de France. Même engouement quand l'ancien Premier ministre explique qu'il veut défendre «le droit de l'enfant et pas le droit à l'enfant» et rétablir «l'uniforme à l'école».

4. Un public qui aime aussi quand le candidat parle de lui

Celui qui se définit lui-même dans son meeting comme «combattant balafré», façon Scarface, a parlé deux fois de lui, pour mettre en avant son courage, sa ténacité. Deux francs succès. «Je ne baisse pas la tête face aux balles de mes adversaires», lance-t-il dès le début de sa prise de parole, pour le plus grand bonheur des militants. Dix minutes plus tard, Fillon joue la carte de l'expérience et de la constance : «36 ans à parcourir nos villages et nos villes. 36 ans de combat, avec des victoires et des défaites. J'ai connu les salles pleines, et j'ai connu la solitude des préaux d'école en compagnie d'une poignée de militants.» Bingo : «FILLON PRÉSIDENT !» scande la salle.

5. Et chez Fillon, on siffle beaucoup Macron et le PS (mais pas Le Pen ni Mélenchon)

Dis-moi qui tu siffles, je te dirai qui sont tes adversaires. Là où Macron a choisi de ne faire siffler personne dans ses meetings, Fillon lui ne se prive pas. Et une cible en particulier fait d’ailleurs systématiquement monter le compteur de décibel quand il est évoqué par Fillon : Macron. Lorsqu’il égrène ses adversaires, Macron est ainsi très largement et systématiquement sifflé, tout comme Hamon dans une moindre mesure. Les noms de Le Pen mais aussi de Mélenchon ne semblent au contraire pas déclencher les mêmes passions.

Une autre cible fera monter en tours les militants LR : le nom de l'ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira, fustigée par Fillon pour avoir interrompu la création de 16 000 places prison. «Si je suis élu, je vous le dis, la fermeté sera à l'Elysée», a poursuivi le candidat. Vu les réactions du public, le message semble être passé. On notera que c'est un grand classique de faire conspuer Christiane Taubira… Ce dont même Alain Juppé s'était ému. Le candidat défait par François Fillon lors de la primaire de la droite l'avait déploré en février 2015, lors d'un meeting : «Il y a deux réflexes pavloviens : il y a madame Taubira et le Modem.»

Deux ans après, le réflexe pavlovien fonctionne toujours bien. La preuve :