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Libération
Discours

Benoît Hamon à Bercy : «Tout commence aujourd’hui !»

Le candidat du Parti socialiste à la présidentielle a tenu cet après-midi son plus grand meeting de campagne, espérant décoller entre les affaires Fillon et la tentation Macron.
Benoît Hamon lors de son meeting de Bercy, dimanche. (Photo Marc Chaumeil pour Libération )
publié le 19 mars 2017 à 15h22
(mis à jour le 19 mars 2017 à 18h18)

Ce dimanche, à Bercy, le candidat socialiste à l'élection présidentielle tient son plus grand meeting de campagne. Un galop d'essai capital pour l'ancien ministre de François Hollande. A un mois du premier tour de la présidentielle, Benoît Hamon, lâché par certains socialistes dont Manuel Valls, espère que cette démonstration de force le fasse enfin décoller de sa quatrième place dans les sondages.

Accompagné de plusieurs ténors socialistes et affiliés européens, comme la maire de Paris, Anne Hidalgo, le ministre-président de la Wallonie, Paul Magnette, l'ex-ministre de la Justice, Christiane Taubira, la ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, ou encore le candidat d'EE-LV rallié, Yannick Jadot, le socialiste doit s'exprimer devant 15 000 personnes. Et tout le monde n'a pas pu rentrer.

15 heures

Christiane Taubira prend la parole et redonne du souffle à Bercy. «Est-ce que vous réalisez que nous sommes invincibles ?» Acclamation de la salle. Quelques instants plus tard, elle se lâche : «Ne pas transformer un programme en happening et confondre un projet avec un biopic.» Une pique a peine voilée à l'encontre de l'ancien ministre de l'Economie, Emmanuel Macron.

Malgré quelques difficultés techniques, le groupe electro-pop General Elektriks monte finalement sur scène. L’organisation annonce une affluence de 20 000 personnes à l’intérieur de la salle tandis que 5 000 personnes seraient dehors en train de regarder le meeting sur grand écran.

Jean-Christophe Cambadélis est également présent au meeting. A l’appel de son nom, il se fait applaudir mais aussi un peu huer.

15h40

Benoît Hamon entre en scène aux cris de «Hamon président». «Mes chers amis, mes chers concitoyens, quel honneur d'être le porte-parole de nos idées, de noter vision, de notre projet, quelle immense et belle responsabilité car cette élection n'est pas une élection comme les autres», commence-t-il son discours.

«Nous avons rendez-vous avec cette histoire tragique, j'assume cette responsabilité, je m'y suis préparé passionnément, sérieusement», poursuit-il, plaidant «l'humilité». Benoît Hamon fait ensuite siffler tour à tour Donald Trump, Vladimir Poutine, le Front national et Daech. Après avoir planté le décor du contexte international, le candidat socialiste appelle à dépasser les «angoisses» avec «responsabilité».

Puis, demande au public de se lever «pour respecter une minute de silence» en mémoire des sept victimes de Mohamed Merah, qu'il cite toutes, et du terrorisme. Hamon fait alors acclamer François Hollande, le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, et le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian (qui devrait vraisemblablement rallier Emmanuel Macron). «Tout commence aujourd'hui !, lance Benoît Hamon. Tout commence avec vous ! Tout commence par vous !»

L'ancien ministre de la Consommation prône ensuite la «rupture avec la déprime de la classe politique actuelle». «La gauche doit gagner, la gauche c'est un souffle […] !» ajoute-t-il avant de déclamer : «Je ne confonds pas Barrès et Zola, je ne confonds pas l'histoire de Fernand Braudel et celle de Charles Maurras, les dreyfusards et les anti-dreyfusards […]. Nous la gauche nous avons trop manqué de clarté. Nous avons manqué de clarté. Nous avons trop cédé de terrain aux déclinistes. Comme si on pouvait confondre Zemmour et Césaire.»

16 heures

Dans la suite de son discours, Benoît Hamon revendique la filiation de son programme avec l'héritage de la gauche française depuis 1936. «Le revenu universel d'existence poursuit l'œuvre du Conseil national de la Résistance (CNR), nous n'en avons pas honte, c'est même notre fierté», déclare le candidat socialiste. Il fait alors acclamer les congés payés et les 35 heures de Martine Aubry, la CMU, l'abolition de la peine de mort ou le mariage pour tous, ainsi que des mesures du quinquennat Hollande comme la loi Alur, la loi de transition énergétique, la garantie jeunes, etc. «Tous ça nous le prenons», assume Benoît Hamon.

Avant d'attaquer sans les nommer  (voire de leur tailler un costume) ses adversaires François Fillon et Emmanuel Macron. «Le parti de l'argent a trop de candidats dans cette élection. Il a plusieurs noms, plusieurs visages», attaque le candidat PS. Sur ses rivaux : «Ils ont peut-être le sens des affaires, moi j'ai le sens de l'Etat. N'est pas Michel Rocard ou le général de Gaulle qui veut».

Après quarante minutes de discours, Benoît Hamon aborde maintenant un bout de son programme notamment en matière de justice et libertés. Préférant la «sûreté» à la «sécurité», le vainqueur de la primaire de la gauche souhaite réhabiliter «la police de proximité anéantie par Nicolas Sarkozy. Je veux qu'elle revienne sur tout le territoire et je veux des milliers de policiers supplémentaires», déroule-t-il. Benoît Hamon annonce également vouloir créer «un droit de la victime dans le code pénal» et s'attaquer aux discriminations sur le mode de «je ne laisserai pas tranquille ceux qui croient que toutes les discriminations sont acceptables». Sur la légalisation du cannabis : «Nos amis du Parti radical de gauche qui prône la légalisation du cannabis, ne le font pas par laxisme, mais pour assécher au contraire cette économie souterraine qui pourrit certains de nos quartiers. […] La prohibition a échoué.»

Benoît Hamon promet ensuite une «obligation de transparence». «Seuls ceux qui auront un casier judiciaire vierge auront accès aux élections. […] J'ai décidé de rendre public les dons importants à ma campagne. Vous avez le droit de savoir qui finance la campagne de qui», annonce l'ancien ministre éphémère de l'Education nationale. Hamon invite d'ailleurs les citoyens à prendre «tout le pouvoir» avec la VIe République, son 49.3 citoyen et la promesse du droit de vote des étrangers aux élections locales, qu'il soumettra au vote populaire élu président «le lendemain de son élection».

16h30

Après avoir lancé un appel à la jeunesse («Omar, David, Jonathan, Sylvie, Bilal, Rebecca : vous êtes la France, ne baissez pas la tête. Soyez un peuple fraternel»), Benoît Hamon s'en prend désormais à la droite et sa «clause Molière, clause Tartuffe, inventée par la droite pour empêcher qu'on parle une autre langue que la nôtre sur les chantiers». «Comment aurions-nous construit la France sans les Polonais, les Italiens, les Portugais, les Marocains, les Sénégalais, etc. ?» s'indigne le candidat socialiste à la présidentielle tout en saluant les mots de la chancelière allemande sur l'accueil des réfugiés. «Angela Merkel a parlé d'une voix d'or quand elle a dit ce qu'il fallait dire au nom même du projet européen pour les réfugiés», défend Benoît Hamon. «Vous pouvez être le prochain Thomas Pesquet, le prochain Omar Sy, la prochaine Najat Vallaud-Belkacem».

Benoît Hamon prend également fait et cause pour le féminisme. «Je dis à la petite fille, à la jeune femme […] J’ai hâte que tu sois ici à la place que j’occupe, a lancé l’ancien député européen. Mais tu me pardonneras de retarder de cinq ans, le jour où la France aura une présidente de la République. Je serai un président féministe (acclamations)». Avant d’ajouter : «Je mettrai tout en œuvre pour que l’inégalité entre femmes et hommes, les stéréotypes et les violences ne soient pour les générations suivantes qu’une étrangère aberration dans les livres d’histoire.»

Sur les questions internationales, Benoît Hamon propose de faire adopter un traité budgétaire de la zone euro ainsi qu'«une nouvelle initiale pour la défense européenne». «Aucune nation ne peut résoudre seule les défis du futur», plaide le candidat à l’Elysée, favorable à une politique d’aide au développement et à la coopération internationale dans tous les domaines : terrorisme, environnement, etc. Benoît Hamon appelle également à la solution à deux Etats, c’est-à-dire la reconnaissance de l’Etat de Palestine aux côtés de l’Etat d’Israël.

Il revient ensuite à des sujets plus classiques de son programme : la défense de la fonction publique, l’écologie, la culture ou la protection sociale. «On ne se lève pas fonctionnaire : c’est un métier et ça se respecte», défend Benoît Hamon. Il annonce : 40 000 enseignants supplémentaires sous son quinquennat, la création de 250 000 places en crêche supplémentaires, des allocations familiales dès le premier enfant. «Je sais la vraie valeur du travail […] qui emancipe au lieu d’asservir.»

En prônant une République «sociale et écologique», Benoît Hamon multiplie par ailleurs les clins d’oeil à ses camarades socialistes et écologistes. A son rival malheureux de la primaire Arnaud Montebourg sur le made in France : «merci de m’avoir inspiré». A la secrétaire d’Etat chargée des Personnes âgées, Pascale Boistard sur la silver economy. A EE-LV, sur le nucléaire, les énergies renouvelables ou les perturbateurs endocriniens. «Je veux faire de la France une grande puissance écologique, je veux proposer une économie tournée vers la durabilité», promet Benoît Hamon.

 

 17h10

Au terme d’un discours d’1h30 (sa voix a commencé à flancher depuis un moment), Benoît Hamon lance un appel à convaincre «les Français en colère». «Allez voir les Français en colère, déçus. Allez dans les cages d’escalier les places des villages. Allez, allez convaincre ce que plus rien ne convainc. Allez réconcilier les Français avec la gauche et la République», a scandé le candidat socialiste.

Et de citer Simone de Beauvoir : «La fatalité triomphe dès que l’on croit en elle». Avant son «Hasta la victoria» : «Allons ensemble jusqu’à la victoire. Vive la gauche, vive le grand peuple de France, vive la France, vive la République.»