Chaque jour pendant la présidentielle, Libération sonde des lieux de la France invisible. Aujourd'hui, les abords du canal Saint-Martin, à Paris.
Le son sans les images. Lundi soir, calé devant l'écran de télévision d'une amie, Ervé a tenu une heure. Le temps d'observer le «costard inspiration rockabilly» d'Emmanuel Macron, la «redingote un peu ridicule» de Jean-Luc Mélenchon et le trio des Le Pen boys cravatés derrière la présidente du Front national (Florian Philippot, Nicolas Bay, Steeve Briois). Puis ce SDF de 44 ans a décidé de se rabattre vers la bonne vieille radio. Branché sur RTL, il a écouté la fin du premier débat entre les cinq principaux candidats de la présidentielle 2017. «Je préfère écouter le fond des propos plutôt que d'être distrait par des détails visuels, des mimiques», justifie-t-il.
L'homme a trouvé l'exercice «intéressant», lui qui pestait encore il y a une semaine contre l'absence de véritable confrontation entre les programmes des uns et des autres. Ervé se félicite de ne pas avoir été le seul dans ce cas : «L'émission a fait presque 50 % de part de marché. Alors même si certains se sont endormis avant la fin, c'est rassurant alors qu'on n'arrête pas de dire que les Français se désintéressent de la politique.» Des cinq protagonistes, il a surtout retenu la prestation de deux d'entre eux. Marine Le Pen, «extrême droite dans ses escarpins», et Jean-Luc Mélenchon, un «sacré tribun, capable de t'expliquer les choses par A + B».
En revanche, quand François Fillon s'exprimait, il ne pouvait réprimer l'envie de lui demander de se taire. «Avec ses casseroles, il est complètement discrédité. Tout ce qu'il dit ne paraît pas audible.» Benoît Hamon ? Ervé a eu du mal à «accrocher» avec le candidat du Parti socialiste. «Lui, président ? C'est comme mettre un puceau à la direction d'un bordel», tacle-t-il. Quant à Emmanuel Macron, il le voit comme «le bon élève qui a appris sa leçon par cœur et ne fait que répéter», en tentant de «ratisser le plus large possible».
Pour Ervé, Marine Le Pen a tiré profit de sa position de «seule contre tous». «Elle est concrète. On voit qu'elle va dans les patelins, sur le terrain, et qu'elle parle des sujets qui touchent les gens. Même si elle répète les mêmes choses depuis des années, elle ne bouge pas d'un iota et, à force, ça entre dans les têtes.»
Prochain rendez-vous dans deux semaines pour un deuxième débat, qui devrait cette fois réunir les onze candidats à l'Elysée. Ervé n'est pas sûr d'être de nouveau de la partie. «Comment vont-ils pouvoir défendre leurs idées en quelques minutes chrono ? Je ne vois pas l'intérêt.»