Sigmar Gabriel vote Macron : «Imaginez… Emmanuel Macron remporte l'élection présidentielle en France en mai, Martin [Schulz, ndlr] devient chancelier en septembre… Tout ce que nous pourrons alors changer en Europe !» La salle jubile. La petite phrase du président sortant du Parti social-démocrate allemand, lancée aux 605 délégués réunis en congrès à Berlin le week-end dernier, n'est pas passée inaperçue auprès des observateurs français.
Soutien affiché. Sigmar Gabriel et Macron se connaissent bien. Ministres de l'Economie au même moment, ils ont commandé ensemble le fameux rapport de novembre 2014 rédigé par Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein (le premier étant devenu coordinateur du programme de Macron), «Réformes, investissement et croissance : un agenda pour la France, l'Allemagne et l'Europe», qui proposait notamment de flexibiliser le marché du travail et de relancer l'investissement pour relancer la croissance. Lors de son passage à Berlin, mi-mars, Macron a été reçu par Angela Merkel et par les poids lourds du SPD, y compris Sigmar Gabriel, avec qui il a ensuite participé à une discussion sur l'avenir de l'Europe au côté du philosophe Jürgen Habermas.
Personne au sein de la gauche allemande ne semble s'offusquer de ce soutien affiché à un rival de Benoît Hamon. «Le SPD n'a pas d'état d'âme à ce sujet, estime le politologue Henrik Uterwedde, de l'Institut franco-allemand de Ludwigsbourg. On regarde les chiffres et les sondages. Le SPD est suffisamment pragmatique pour soutenir un conservateur modéré, pro-européen… La solidarité des appareils passe au second plan. Le SPD est tout juste en train de commencer à se hisser au rang de parti capable de revenir au pouvoir, ce n'est pas le moment pour lui de se lancer dans des petits jeux partisans pour ménager le PS.»
«Il y a plus de recoupement entre le SPD et le programme de Macron que celui de Hamon, et ce même si Martin Schulz cherche à impulser un virage à gauche au SPD, estime Claire Demesmay, spécialiste des relations franco-allemandes au think tank allemand DGAP. Hamon a beau dire qu'il est européen, sa conception de l'UE est difficilement compatible avec celle du SPD. Au final, même si Schulz est plus à gauche que le SPD, il n'est tout de même pas aussi à gauche que Hamon.» Macron, quasi inconnu en République fédérale jusqu'à l'affaire Fillon, est devenu en quelques semaines la coqueluche de la presse et de la classe politique allemandes. «Son discours plaît, il correspond mieux à notre culture politique centriste, souligne Henrik Henderlein. Modéré, européen, réformateur, c'est un bouquet qui plaît en Allemagne.» Les dirigeants allemands, qu'ils soient de la CDU ou du SPD, auraient plus de difficultés à s'entendre avec des profils qu'ils perçoivent comme idéologiquement tranchés, tels que celui de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande.
«Ardues négociations». Le discours de Macron - mener à bien les réformes nécessaires pour redevenir crédible aux yeux de Berlin - plaît aux Allemands, tant du côté du SPD que de la CDU. «Bien sûr, s'il est élu, il ne sera pas un président "confortable" pour Berlin, rappelle Henrik Uterwedde, qui s'attend à d'ardues négociations sur les dossiers européens. Mais l'essentiel aux yeux des Allemands, c'est qu'il fasse blocage à Marine Le Pen.» Avec l'affaire Fillon, Berlin a clairement envisagé un instant le scénario catastrophe de l'arrivée au pouvoir du Front national chez son plus proche voisin.