Un mois tout juste avant le premier tour de l'élection présidentielle, le rendez-vous de ce jeudi soir est évidemment capital pour François Fillon. Après le Grand débat de lundi sur TF1, l'Emission politique de France 2 lui offre sans doute l'une des toutes dernières chances d'enclencher la dynamique qui lui permettrait de rattraper les 7 à 8 points de retard que lui donnent les sondages sur Macron. Dans le camp Fillon, on n'a pas oublié que c'est à la faveur de cette même émission qu'il avait entamé sa remontée spectaculaire sur Sarkozy et Juppé. C'était le 27 octobre. Un mois avant la primaire de la droite.
Y croit-il encore ? Tandis que le scepticisme et le découragement gangrènent sa famille politique, le candidat et ses derniers fidèles bataillent avec l'énergie du désespoir. Après le sursaut qui a suivi le rassemblement du Trocadéro le 5 mars, l'affaire des costumes à 13 000 euros la paire, révélée au JDD par le sulfureux avocat Robert Bourgi (qui a réglé la note), a fait des ravages dans l'opinion. Pour tenter de la reconquérir, le candidat ressort la théorie du complot. Dans le XVe arrondissement de Paris, son QG de campagne, rue Firmin-Gillot, prend des allures de Fort Chabrol. Avec ses derniers fidèles, Fillon se barricade dans une campagne d'assiégé.
A bout de souffle
Mercredi, en marge de son intervention devant l'Association des maires de France (AMF), il s'est dit victime d'une «machination» qui serait désormais «visible aux yeux de tous les Français». Cerné par les affaires, Fillon désigne le coupable : François Hollande. Car ce sont bien «les services de l'Etat» qui, chaque semaine, rendraient possibles, selon lui, des fuites organisées contre le secret de l'instruction. La dernière en date étant les révélations sur les perquisitions qui ont conduit les juges à soupçonner la fabrication de «faux» sur les contrats de travail de Penelope Fillon. Ce développement de l'enquête révélée par le Monde participe selon l'ancien Premier ministre d'une «attaque sans précédent contre le processus démocratique». Il appelle ses troupes à la résistance contre une gauche déterminée, selon lui, a sorti du jeu le candidat de la droite à l'élection présidentielle.
Dans ce contexte, Fillon poursuit ses réunions publiques. Après Courbevoie mardi, il sera à Biarritz vendredi. Partout, les salles sont pleines de sympathisants très remontés contre les médias. Si le «complot» les met en colère, les sondages leur minent le moral. Ces réunions baignent dans une ambiance très particulière : la combativité est au rendez-vous, mais le souffle manque. A Courbevoie, dans leur bastion des Hauts-de-Seine, les jeunes militants s'efforcent, en vain, de faire partager leur ferveur. Les «Fillon président» enflent mais retombent aussi vite, comme si la foule était à bout de souffle. Une Marseillaise, entonnée au début du meeting, est rebaptisée «le chant des rebelles»…
Dimension quasi-psychanalytique
Car Fillon, lui, se présente comme le premier des rebelles. Il abuse sans retenue du vocabulaire du résistant. Il est le capitaine qu'aucune tempête ne fera plier : «Mon projet est l'aboutissement d'une longue réflexion. Il est carré et je le suis aussi. La France a besoin d'une volonté. Une volonté pour donner un cap clair. Une volonté pour décider des réformes et s'y tenir. Cette volonté, je l'ai !» Dans son mot d'accueil, le maire LR de Courbevoie, Jacques Kossowski, ressort l'inusable métaphore du pilote de course qui se tient en retrait derrière ses concurrents, guettant l'aspiration qui lui assurera «la victoire finale». Il célèbre surtout «la capacité de résistance hors du commun» du candidat, dans «la cruelle épreuve» qui lui est infligée.
Patrick Devedjian, le président du département, va encore plus loin. Il soutient que cette «pénible campagne» aurait l'avantage de révéler «les qualités de l'homme» qui se présente à la présidence de la République. «Je crois que les Français veulent te voir dans cette épreuve», ajoute-t-il même, donnant à cette campagne une dimension quasi-psychanalytique. Audacieuse théorie qui aura contribué, ce mardi soir, à plomber plus encore le moral des fillonistes.