«Bon, vous ne vous êtes pas retiré. Vous êtes là. Vous savez que, si vous êtes élu, on aura un président en qui une large partie de la population n’aura pas confiance ?
«Celui qui a une contravention se demandera pourquoi il doit aller absolument au tribunal de police.
«Si vous êtes élu. Parce que, en cas de Fillon-Le Pen, beaucoup s’abstiendront.
«Quand on a parlé de ces costumes, qu'un ami vous a offerts, vous avez dit "et alors !". Je comprends, tout le monde peut comprendre. Nous ne sommes pas dans une transparence à l'américaine, sous certains aspects, tant mieux. Mais pour que vous compreniez ce qui nous choque, je vais prendre un tout petit exemple…
«Personnel, mais chacun en a dans sa propre vie.
«Vous voyez ce bracelet, il m’a été offert il y a dix ans, par quelqu’un qui se disait mon amie, mais qui voulait obtenir quelque chose de moi. Me corrompre. Sur le moment je n’ai pas compris, j’ai accepté le bracelet, comme une imbécile. Et huit jours plus tard, elle me demande d’écrire sur son dernier livre, qui n’était pas très intéressant. J’ai refusé. Mais si j’avais accepté, j’aurais sûrement eu cinq ou six bracelets aujourd’hui à mon bras.
«Ce qui choque, c’est que vous vous soyez mis dans la situation, pour des costumes ou autre chose, d’avoir des services à rendre.
«Pareil pour la Revue des deux mondes, un ami, Ladreit de Lacharrière, offre à votre femme un salaire exorbitant, vu la pratique dans ce domaine. C'est choquant.
«La Revue des deux mondes, c'était tout un symbole. C'était un lieu à part, dédié à la littérature, l'idée qu'il y a des choses qui comptent plus que l'argent, des choses qu'on n'achète pas.
«A propos des histoires d’attaché parlementaire, vous dites c’est légal. Pourquoi les gens ont un sentiment d’injustice, alors ? Peut-être parce que ce n’est pas une question de légalité, mais une question de décence.
«Dans le métro début février, une femme lisait le Canard enchaîné, toute la page était consacrée à l'affaire, et il y avait un homme en face d'elle, d'une soixantaine d'années, qui a engagé la conversation. C'était très ironique. Et puis il est devenu plus grave et il a dit : "Ce qu'il y a, c'est qu'on risque d'avoir Marine Le Pen. On fera avec. Je dis pas que c'est bon, hein. On fera avec."
«Si vous vous étiez retiré, dans l’hypothèse d’un deuxième tour Les Républicains-Le Pen, on aurait voté pour Les Républicains au deuxième tour, sans problème. Sans se sentir complice de quoi que ce soit.
«On a besoin de pouvoir s’identifier à celui pour qui on va voter, de sentir que, même de loin, il comprend ce qu’on ressent, de l’approuver. Là, monsieur, est-ce que vous comprenez que le fameux front républicain est mis en danger ?
«Alors, connaissant les risques, importants, que notre pays tombe aux mains du FN, on ne comprend pas pourquoi vous ne vous êtes pas retiré au profit de Juppé ou de Sarkozy (et ne nous parlez pas des 4 millions d'électeurs de la primaire, depuis l'eau a coulé sous les ponts !). Et on se demande si vous êtes prêt, vous aussi, à "faire avec" Marine Le Pen ? Ça ne vous dérange pas, au fond, qu'elle arrive au pouvoir.
«Quant au coup de Bérégovoy, alors là vous allez trop loin. Et si j’ai une question à vous poser, c’est la suivante : est-ce que vous nous faites un chantage au suicide ?»