Menu
Libération
Éditorial

Momification

publié le 26 mars 2017 à 20h36

La scène se passe en janvier à Libération. La rédaction reçoit tous les candidats à la primaire de la gauche et des écologistes et, ce jour-là, c'est le tour de Manuel Valls. Au cours de la discussion, un journaliste relève le peu de place laissée à la culture dans son programme et s'étonne même que ses maigres propositions visent d'abord à défendre le patrimoine et la langue française. Une réflexion qui aurait pu valoir pour tous les autres candidats, de gauche comme de droite. Et l'ancien Premier ministre de s'emporter, rappelant tout ce qu'il a fait pour la culture, comme le sauvetage du régime des intermittents du spectacle. Sa réaction est symptomatique du moment et de la manière d'appréhender ce secteur créatif (pourvoyeur d'emplois au passage). Si la culture est bien présente dans les programmes des candidats, ces derniers ne sortent guère des questions d'accès aux œuvres, de préservation de l'exception française… Quant aux débats, comme la semaine dernière sur TF1, la question y est systématiquement oubliée des échanges. Impression encore renforcée par le fait que, durant cette campagne, contrairement aux précédentes, les prétendants à l'Elysée ne cherchent pas à s'attirer les faveurs des artistes. Mais surtout, les propositions ne sont pas à la hauteur des enjeux. Quand Netflix et Amazon bousculent la production cinématographique à l'échelle mondiale, quand Canal + ne semble plus être le soutien indéfectible du cinéma français, quand l'Union européenne menace d'imploser, c'est tout le modèle français qui se retrouve fragilisé. On aimerait tant entendre les candidats parler avec des mots d'aujourd'hui. Alors que les usages se jouent désormais des frontières, le repli sur soi est la seule alternative proposée. Considérons la culture seulement comme un patrimoine et non un vecteur de développement, et ce sera la momification assurée. Il reste un mois pour parler d'avenir.