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Libération
édito

«Cabinet noir» : chasse au scoop ou au dahu ?

publié le 27 mars 2017 à 19h16

Comme un assiégé qui lance un fumigène pour échapper à l'encerclement, François Fillon s'acharne à faire vivre la thèse, un peu vaporeuse, du «cabinet noir» de François Hollande. Il s'appuie dans cette entreprise sur le livre de trois journalistes intitulé Bienvenue place Beauvau. Plusieurs caciques de la droite ont signé lundi une lettre à la justice où les extraits du livre sont utilisés comme autant de pièces à charge justifiant l'ouverture d'une enquête officielle. La lecture du poulet est peu édifiante. Une seule affaire est documentée, celle qui concerne le fils de Valérie Pécresse et que Claude Bartolone aurait utilisée. Pour le reste, les accusations reposent sur des sources anonymes aux propos évasifs, sans pièces, sans documents et sans précisions de date ou de lieu. Et surtout, il n'est écrit nulle part dans le livre que Hollande aurait pu intervenir dans les procédures concernant Fillon, ce qui est pourtant l'accusation lourdement suggérée par le candidat LR. Chasse au scoop ou chasse au dahu ? Les auteurs préviennent d'ailleurs honnêtement le lecteur : «Rien ne prouve» l'existence du cabinet noir hollandais, mais «rien ne prouve le contraire». Avec un tel exergue, on peut faire des livres de révélations sur les ovni, les extraterrestres, le complot des Illuminati ou l'abominable homme des neiges.

Personne ne peut exclure les manœuvres tortueuses qui se développent parfois dans les méandres de l’appareil d’Etat, qu’il s’agisse des services du fisc ou des organes de police. Les exemples passés abondent. Mais il faut pour l’établir apporter des éléments tangibles, ce qui fait cruellement défaut en l’espèce. Julien Dray fait remarquer que si ce cabinet noir agissait dans l’ombre avec l’efficacité tentaculaire que lui prêtent les fillonistes, François Hollande se serait peut-être mieux sorti des affaires qui ont terni son quinquennat.

A moins que ces éminences grises et roses soient essentiellement des pieds nickelés, qui n’ont su parer ni les affaires privées du Président, ni le cas Leonarda, ni le livre «Davet-Lhomme»… Puisque l’imagination est au pouvoir, avançons une thèse encore plus audacieuse : ces Machiavel pervers, dans un diabolique jeu de qui-perd-gagne, ont volontairement piégé Hollande pour favoriser une candidature Macron, auquel ils se rallient maintenant un par un. Comment expliquer autrement l’incroyable série de gaffes et de boulettes qui ont plombé la présidence qui s’achève ? Seuls les naïfs y verront l’effet du hasard… Rien ne le prouve, dira-t-on. Mais rien ne prouve le contraire. C’est donc du solide.