Il est 17 h 30, devant le parc des expositions de Montpellier. Une poignée de militants attend l'ouverture des portes. Les rangs sont clairsemés et les sourires crispés. «Non, c'est pas la forme olympique, lâche Alain, 72 ans. C'est assez mal barré, tout ça.» Près de lui, moral en berne également pour Rachel, 75 ans, et Jean-Charles, 72 ans. «On est au PS depuis 20 ans, et on est révoltés, surtout par l'attitude de Valls qui a lâché Hamon. La gauche savonne elle-même sa planche, pour ces élections !»
Pleines d'entrain, cinq quinquagénaires déboulent soudain du parking, revêtues du T-shirt «Faire battre le cœur de la France». Elles demandent : «Vous en voulez un ?» Toutes au PS, toutes fans de «Benoît», elles sont venues lui montrer «qu'elles étaient là». «Ce que fait Valls, c'est une honte, un scandale, une trahison inadmissible. Si c'était lui qui avait gagné la primaire, on aurait voté pour lui.» Elles en veulent aussi à Mélenchon : «Il aurait dû aller aux primaires. Il n'y est pas allé par lâcheté. Ou par fierté.» Maxime et Rebecca, à peine la vingtaine, sont eux aussi scandalisés par le choix de Manuel Valls : «C'est pas les valeurs du PS, tout ça.» Un groupe de sympathisants encore plus jeunes trouve toute cette affaire «déplorable». Les mots leur manquent : «C'est bas, c'est moche.»
«Hémorragie complète»
Tous hésitent dans leurs pronostics, face à cette élection qui ne ressemble à aucune autre. Pour Rachel et Jean-Charles, Benoît Hamon a encore une chance : «Une chance oui… Mais sans doute pas pour cette fois-ci…» En tout cas, le «vote utile» ne passera pas par eux : «Ça non, je n'y crois pas, tranche Jean-Charles. Moi je crois au vote de conviction. Sinon, c'est pas la peine, on prend une carte de pêche.» Quoi qu'il arrive, le couple suivra Hamon : «Parce que lui, au moins, dans ce véritable marais, il est clair.» Valérie, 50 ans, et Jean-Louis, 56 ans, suivraient eux aussi Hamon jusqu'au bout du monde : «Si on est là ce soir, c'est pour lui, pour lui dire de se battre, pour qu'il continue, et même pour qu'il crée un nouveau parti, pour partir sur quelque chose de neuf ! On a confiance en lui, il est sincère. Et s'il n'est pas élu ce coup-là, ce sera pour dans cinq ans.»
Dans la vaste salle déjà prête à accueillir le candidat, c'est idem : les mines des militants se veulent réjouies mais le cœur n'y est pas tout à fait. «C'est l'hémorragie complète», commente Sandrine, 58 ans, en évoquant les «traîtres» partis soutenir Macron. «Ceux-là sont partis parce que Hamon, c'est la gauche de la gauche. Nous on continue à y croire parce qu'on est militants dans l'âme.» Sandrine aussi suivra son «anti-héros» ; elle le suivra, elle aussi, «quoi qu'il arrive», parce qu'elle «l'admire», et qu'il lui donne «l'envie d'y croire».
Parmi ces sympathisants et ces militants, aucun ne veut envisager un second tour Macron-Le Pen. L'idée même de ce scénario leur écorche l'âme. Certains «se forceraient» à voter Macron, d'autres préféreraient voter blanc. Mais ils ne sont pas venus ici ce soir pour imaginer à ce mauvais film. Surtout pas Martine, 68 ans : «Moi je garde le moral, parce que la gauche ne mourra jamais, et qu'il y aura toujours des gens de gauche, comme il y aura toujours des gens de droite, quoi qu'en dise Macron.»