Toute la campagne d'Emmanuel Macron, son «arc narratif» pourraient dire les scénaristes de cette folle campagne, repose sur une promesse : que les outsiders, les rejetés du système, puissent devenir des insiders et intègrent in fine le système. Pour construire cette promesse, il a fait sien les codes de l'entreprenariat de l'Internet, appliquant la mythologie «des garçons qui ont révolutionné le monde depuis un garage» au discours politique.
L'âge d'Emmanuel Macron, le fonctionnement de son équipe et la constitution d'En marche, à la mode Obama 2008, ont d'abord attiré ceux qui se perçoivent en dehors du système, sans l'être vraiment : des jeunes et des exclus du marché du travail classique voyant dans le mélange «entreprenariat et technologies» le moyen de se faire une place au soleil. Peu leur importe que son programme soit d'obédience libérale, social-libérale, centriste, de «gauche californienne», et de droite, et de gauche, ou tout ça à la fois. Citons parmi eux les signataires de cette tribune, pour la plupart issus des «quartiers populaires», qui voient dans Macron le seul «garant de l'égalité des chances, la méritocratie et la libération des énergies pour les générations qui viennent». Ne doutons pas de l'engagement désintéressé de ces nouveaux insiders sortis des territoires d'exclusion.
Sans doute moins désintéressés, et clairement pas des outsiders, sont ceux qui ont frappé à la porte de l'auberge espagnole de Macron, comme nous l'avons appelée à Libération. Elle rassemble des intellectuels, des chefs d'entreprises, des politiques roses-verts-bleu pâle-orange, allant du secrétaire général du PCF Robert Hue à la conscience politique du libéralisme Alain Madelin.
Quels sont leurs points communs ? La plupart sont des hommes, tous issus de partis traditionnels, tous sexagénaires, élus depuis des décennies, souvent localement puissants mais plus ou moins en marge, plus ou moins dans la lumière. Des baby-boomers qui ont œuvré dans l'ombre, et qui feront tout pour durer. Et chose rare, prêts à assumer un programme pro-européen, pro-entreprise, et ouvert sur le monde. Pas vraiment des newbies, ni des oubliés de la mondialisation. En marche, c'est le Nuit debout du système (1).
Mais là où #NuitDebout tentait de refonder la démocratie en se méfiant des hiérarchies et des verticalités, Macron navigue entre ceux qui marchent, ceux qui encadrent, et ceux qui soutiennent. Et il devra rapidement sortir des ambiguïtés. A moins d'admettre qu'En marche est une façon de faire du neuf avec des vieux, une «rhapsodie de promesses, de chimères mêlées à des vieux fonds de tiroir idéologiques» et qu'il ne renouvellera pas la façon de faire de la politique. Dans toutes les hypothèses, il y aura des déçus et des exclus. Espérons que ce ne soit pas toujours les mêmes.