«Ça m'arrange que les commentateurs continuent à jouer au PMU politique pour savoir, d'après ce que dit la grenouille, le sondage et le foie des volailles sacrées, où nous en sommes dans la course à l'échalote. Je m'en fous, je m'en moque, je ne m'en occupe pas !» Cette phrase, Jean-Luc Mélenchon l'a prononcée en meeting à Lille le… 27 mars 2012. A l'époque déjà, le candidat à la présidentielle avait vu sa campagne propulsée dans la dernière ligne droite par son grand rassemblement, place de la Bastille le 18 mars. Il avait tutoyé les 17 % d'intentions de vote avant de finir dans les urnes à un très honorable 11,1 %. La faute, en partie, à un vote utile à gauche en faveur de François Hollande pour assurer sa présence au second tour.
Le leader de La France insoumise se méfie toujours autant des sondages. Il prône même leur «interdiction» en période électorale. Mais, en l'occurrence, ils alimentent sa dynamique : puisque l'écart se resserre avec Emmanuel Macron et Marine Le Pen et qu'il fait jeu égal avec François Fillon, une partie du cœur de l'électorat socialiste toujours chez Benoît Hamon regarde aussi de son côté. Sentant le danger, les autres candidats l'attaquent à présent sur ses positions internationales (Macron), économiques (Fillon) ou «immigrationistes» et fiscales (Le Pen). Mélenchon ne riposte pas : en utilisateur minutieux du calendrier et avec l'expérience de sa fin de campagne ratée en 2012, il a balisé ses derniers jours pour finir en trombe.
Fatigué, l'ancien socialiste, 65 ans, se ménage : il fait très peu de sorties de terrain, pas de bains de foule. Trop dangereux : il pourrait s'énerver à la première provocation comme fin janvier à Périgueux, ou lancer un «jette-moi ça» ou un «sale con» à un journaliste comme il l'a fait en marge de sa Marche parisienne du 18 mars. Mélenchon se concentre ainsi sur ses meetings de masse (Lille mercredi, Toulouse dimanche) et ses innovations technologiques qui cartonnent sur la toile. Son meeting de Dijon, mardi, sera retransmis en hologramme dans six autres villes. Souhaitant rester maître de sa campagne, Mélenchon ne veut plus prendre de risque. D'où son refus de participer, deux jours avant le vote, à un troisième débat dans lequel il n'aurait eu, en outsider sérieux, que des coups à prendre.
photo Romain Thieriot