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La campagne de Fillon plombée (aussi) par les vieilles rancœurs

Alors que le scénario de la déroute s'esquisse, les fidèles du candidat LR ignorent les barons du parti et leurs réseaux militants. Résultat, de Paris à Marseille et en attendant Nice lundi, les couacs s'enchaînent.
François Fillon rencontre des sportifs alpins et des sympathisants, à Aix -les-Bains, le 12 avril. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 12 avril 2017 à 16h45

Alors que se dessine toujours assez nettement la possibilité d’une déroute de François Fillon au premier tour de l’élection présidentielle, l’ambiance devient franchement irrespirable à droite. Les vieilles rancœurs entre les fractions qui s’étaient disputé la primaire de novembre refont surface. Et l’on entend ceux qui avaient combattu l’ancien Premier ministre pester, comme au bon vieux temps, contre l’amateurisme des fillonistes.

«Des prétentieux incompétents»

Ce mercredi, un élu sarkozyste ne cache pas sa colère et sa déception après le meeting que tenait la veille à Marseille le candidat LR. «C'est incontestablement une contre-performance : ils avaient mis 3 000 chaises, on a eu du mal à les remplir. A la veille d'une présidentielle, on devait être capable de faire le double.» Selon cet élu, les responsables de ce «naufrage» seraient notamment les députés fillonistes locaux, Guy Tessier et Valérie Boyer, qui se sont crus capables de «faire eux-mêmes la salle». Et ce, sans l'aide des réseaux des barons sarkozystes, à commencer par le maire Jean-Claude Gaudin. «Depuis qu'ils ont gagné la primaire, les fillonistes se croient maîtres de Marseille. On leur a tendu la main, elle est restée dans le vide. Ce sont des prétentieux incompétents», s'emporte ce haut responsable LR. Il souligne le contraste dévastateur entre «les images grandioses» de Jean-Luc Mélenchon triomphant dimanche sur le Vieux-Port face à ses 70 000 supporteurs et celle d'un candidat de droite «à bout de souffle», «ânonnant son discours» devant tous les parlementaires de la région. C'est à peine si les sympathisants marseillais, d'ordinaire si prompts à manifester leur enthousiasme, avaient «encore la force de crier "Fillon président"», confie cet élu désabusé.

Qu'en sera-t-il à Nice où Fillon a prévu de se faire acclamer lundi prochain ? Dans ce fief historique de la droite, Nicolas Sarkozy avait pris l'habitude de conclure en apothéose ses campagnes électorales. Le succès, cette fois n'est pas garanti. Dans l'entourage de l'ex-maire de Nice, Christian Estrosi, on s'inquiète un peu : l'équipe Fillon leur a réservé la plus grande salle de la ville. «On est très sceptiques et inquiets. Un lundi de Pâques, à 17 heures, les gens sont en famille, ça va être compliqué. On risque d'être obligé de réduire la taille de la salle avec des rideaux. Mais comme la scène est très large, ça risque de se voir», confie une militante. A ce problème logistique, il faut ajouter la délicate gestion du cas Estrosi. Pour avoir suggéré, début mars, que Fillon retire sa candidature après sa mise en examen, le président de la région PACA a été sifflé par des militants le 31 mars à Toulon, alors qu'il était invité à prendre la parole à la tribune, le public scandant «Fillon, Fillon» pendant qu'il parlait. Accueillir le candidat dans sa ville lundi prochain relèvera de la haute voltige politique. C'est donc sur les épaules d'Eric Ciotti, rival d'Estrosi et par conséquent ardent filloniste, que repose la réussite du rassemblement de Nice. Nul ne doute qu'un échec lui serait imputé.

Copé vexé

Dimanche, le «Grand rassemblement» parisien de François Fillon avait lui aussi réveillé de vieilles rancœurs. De François Baroin à Jean-Pierre Raffarin en passant par Jean-François Copé, quelques dizaines de grands élus de la droite avaient été installés sur la tribune, manifestant, par leur présence, leur engagement derrière le candidat qui devait prononcer le plus important de ses discours de campagne. Alors qu’il s’apprêtait à s’installer, Copé a découvert qu’une place au tout dernier rang lui avait été réservée. Il s’en est aussitôt plaint auprès des organisateurs, s’étonnant que le protocole ait manifestement oublié sa qualité d’ancien patron du parti. S’en est suivi un échange très vif : quand le député-maire de Meaux menace de quitter la salle si l’affront n’est pas corrigé, on lui répond d’abord que c’est à prendre ou à laisser. Il faudra l’intervention de Bruno Retailleau, coordinateur de la campagne de Fillon, pour éviter, in extremis, que cette grand-messe ne démarre sur un gros couac. La chaise de Copé sera déplacée en catastrophe et déposée au premier rang, au plus près du pupitre de l’orateur. C’est ainsi que l’ex-patron de l’UMP, un «tricheur» si durement combattu jadis par les fillonistes, s’est retrouvé à la meilleure place, comme s’il était devenu le premier des soutiens de son ex-rival. Certains spectateurs ingénus auront cru y voir un beau signe d’unité et de réconciliation. Ce n’était pas exactement ça…