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Elections

Peut-on envisager la reconnaissance du vote blanc d’ici 2022 ?

Plusieurs candidats à la présidentielle se sont prononcés en faveur de la reconnaissance du vote blanc. Mais la mise en place de cette mesure risque de prendre un peu de temps.
A Guidel, Bretagne, 6 décembre 2015, lors du premier tour des régionales. (Photo Damien Meyer. AFP)
publié le 12 avril 2017 à 13h46

Pour cette année, c'est râpé. Les électeurs pourront toujours voter blanc à la présidentielle le 23 avril, ça ne changera strictement rien aux résultats. Mais ils pourront aussi voter pour l'un des sept candidats qui s'engagent à mettre en place la reconnaissance du vote blanc. Une promesse pas si facile à mettre en place.

1 - Il faut savoir ce que ça change

Concrètement, voter blanc consiste à mettre une enveloppe vide ou un bulletin blanc fabriqué par l'électeur dans l'urne. Aujourd'hui, ce vote n'est pas comptabilisé dans les suffrages exprimés et ne change pas les résultats. Mais depuis février 2014, une première étape a été franchie : le vote blanc est décompté séparément du vote nul (bulletins barrés, déchirés, non réglementaires…) et «il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins».

Par exemple, lors des élections régionales de 2015, plus de 740 000 personnes ont choisi de voter blanc, ce qui représente 2,80% des votants. Mais les résultats annoncés ne prenaient pas en compte ces voix, pas plus que les bulletins nuls, et portaient donc sur un peu plus de 95% des suffrages exprimés, comme l'indique le ministère de l'Intérieur.

Pour ses promoteurs, le vote blanc permettrait de lutter contre l'abstention en offrant aux électeurs la possibilité d'exprimer leur insatisfaction face aux choix qui leur sont proposés. Mais ses détracteurs redoutent que cela entame la légitimité des élus et incite les gens à ne pas faire de choix.

2 - Il faut élire un candidat qui veut reconnaître le vote blanc

La reconnaissance du vote blanc comme une alternative aux candidats en lice est largement plébiscitée dans l'opinion. D'ailleurs, depuis plusieurs années, un travail parlementaire a été engagé sur ce point et le parti du vote blanc a même voulu présenter un candidat à l'élection présidentielle qui n'a finalement obtenu que neuf parrainages sur les 500 nécessaires.

Mais plusieurs candidats ne l'évoquent pas dans leurs programmes. C'est le cas de Marine Le Pen (FN), François Fillon (LR), Emmanuel Macron (En marche) et Philippe Poutou (NPA). Jacques Cheminade (S&P) et Nathalie Arthaud (LO) n'abordent pas non plus cette question dans leurs programmes officiels, mais se sont déclarés favorables à la reconnaissance du vote blanc auprès de la rédaction du Monde.

Les autres candidats s'engagent en revanche à avancer sur cette question. Du côté de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a promis dans son livre-programme d'instaurer la reconnaissance du vote blanc qui équivaudrait à un suffrage exprimé. «Si 50% + 1 des gens ont voté blanc, on considère que le vote est purement et simplement annulé», précise Mélenchon dans une vidéo. Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) est sur la même position et François Asselineau (UPR) propose d'annuler le scrutin si le vote blanc arrive en tête. Un nouveau vote serait alors organisé avec d'autres candidats. L'ex-Modem Jean Lassalle fait peu ou prou la même proposition : «reconnaître le vote blanc comme un vote pour un candidat».

Enfin, Benoît Hamon veut soumettre la reconnaissance du vote blanc à un référendum préparé dans les six mois qui suivraient son accession à l'Elysée. Une proposition qui, à en croire un récent sondage Ifop pour Synopia, serait adoptée sans problème puisque 86% des Français seraient favorables à une vraie prise en compte du vote blanc. Pour le candidat socialiste aussi, une fois la mesure adoptée les élections doivent être annulées si le vote blanc est en tête.

3 - Il faut (probablement) une réforme constitutionnelle

Encore faut-il amender le code électoral… et modifier la Constitution. Car selon l'article 7 du texte fondateur de la Ve République, «le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés». Or la reconnaissance du vote blanc pourrait conduire, à l'élection d'un(e) président(e) de la République sans ladite majorité absolue : par exemple, rien n'empêche d'imaginer un second tour de la présidentielle avec 15% de vote blanc, 47% des voix pour le candidat A et 38% pour le candidat B. Dans un tel cas, il resterait deux options : modifier la Constitution, ou refaire l'élection.

Autre difficulté, la reconnaissance du vote blanc pourrait aussi poser un problème lors des référendums. «Un texte soumis à référendum devant être adopté à la majorité des suffrages exprimés, un vote blanc équivaudrait à un vote négatif», comme le souligne le rapport de 2013 du sénateur François Zocchetto, président du groupe centriste. Quel que soit le résultat des votes le 7 mai prochain, le débat est donc loin d'être clos.