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Libération
Bol d'air

Hamon trouve refuge dans les quartiers populaires

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Distancé dans les sondages, le candidat socialiste était dans la métropole lyonnaise, mardi, et à La Courneuve, mercredi. Une attention un peu tardive dans cette campagne, alors que sa défense des quartiers lui avait réussi lors de la primaire.
Benoît Hamon à Villiers-le-Bel, mercredi.. (Photo Denis Allard. REA pour Libération)
publié le 13 avril 2017 à 11h07

«Maman, maman, regarde il fait la même taille que toi !» ; «Monsieur, elle est bien votre cravate de président !» ; «Monsieur, vous pouvez signer un mot sur mon carnet de correspondance ?» Mardi, la caravane qui suit Benoît Hamon était dans le Rhône. Le candidat socialiste marche, sous le soleil de Vaulx-en-Velin (métropole de Lyon) et les punchlines tombent. Il sourit. Tape la bise. Pose sous les flashs. Il est loin des bas sondages et des embrouilles. Une sorte de bol d'air entre les tours. Un journaliste de Quotidien souffle une question à une enfant. Elle interroge Benoît Hamon. Il répond : «C'est qui le meilleur entre moi et Mélenchon ?» Le candidat l'embrasse sur le front.

Un peu plus tôt, à Villeurbanne, accompagné de la ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem, il a échangé avec les habitants de Saint-Jean, un quartier de la ville qui porte sa réputation sur son dos. Dans la salle, des gâteaux, du thé, des curieux, des rires. La bande regarde un petit film réalisé par un habitant. On y voit un gamin, à l'air malicieux, qui parle (presque) comme un grand : «La France, elle n'est pas à la France. Elle est publique.» Le soir, lors d'un meeting, Benoît Hamon est revenu sur un épisode qui a marqué – et marque toujours – l'histoire des quartiers populaires : la fameuse «marche de l'égalité» qui a démarré en 1983 après une série de violences et d'injustices. Le candidat pointe une réalité : la marche s'est transformée en «marche des Beurs», un «produit marketing qui renvoie la jeunesse à ses origines». La salle apprécie.

A Vaulx-en-Velin, mardi. (Photo Bruno Amsellem. Divergence pour Libération)

«Les blessures sont grandes»

Le lendemain, on a retrouvé Benoît Hamon à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis. Un quartier symbolique. Le «Kärcher» de Sarkozy c'était ici. Et en 2015, François Hollande a eu le droit à un accueil mouvementé au même endroit. Benoît Hamon, lui, a le droit à un accueil respectable. Pas de grande foule pour l'accueillir. Pas de sifflet non plus. Il discute, échange, rigole. Puis, il a passé l'après-midi dans le Val-d'Oise : Sarcelles, Villiers-le-Bel. Une ambiance tranquille. Une opération réussie. Ces deux jours ne tombent pas du ciel. Le député des Yvelines a raflé la primaire avec l'aide des quartiers populaires. Il a même hérité d'un prénom, «Bilal», donné par la fachosphère. Il en a fait des tee-shirts et l'a assumé en meeting.

Les raisons de cette sorte de bienveillance sont multiples. Le désamour de Valls d'une part, la cote de Hamon de l'autre. Le socialiste a toujours poussé pour le récépissé afin de lutter contre les contrôles au faciès. Il a également critiqué le quinquennat de François Hollande – qui a perdu sa popularité dans les quartiers. En octobre, Hamon nous confiait : «Tout au long du quinquennat, les habitants des banlieues ont été visés. Un jour sur le port du burkini, un autre sur la laïcité avec le Premier ministre qui parle d'interdire le voile à l'université. Il y a eu très peu de messages positifs en direction des quartiers. Du coup, malgré les efforts financiers, les blessures sont grandes chez les habitants. Et pour beaucoup, au niveau de la stigmatisation et de la mise à l'écart, Hollande et Sarko, c'est pareil.»

A Villiers-le-Bel, mercredi. (Photo Denis Allard. REA pour Libération)

«On n’est pas tous nés sous la même étoile»

Du coup, on s'interroge : pourquoi une si longue absence dans les quartiers depuis le début de la campagne ? Sa discrétion durant «l'affaire Théo» a marqué une partie de la gauche. Benoît Hamon ne voulait pas la «récupérer», tandis qu'Emmanuel Macron écrivait un texte sur Facebook et que Jean-Luc Mélenchon lâchait des mots forts à ce sujet lors d'un meeting à Strasbourg. Ce silence est «une erreur» pour beaucoup de ses proches. «On a le meilleur programme, on propose une police pour lutter contre les discriminations et lorsqu'un cas précis et grave se produit, on reste retrait», regrette un membre de son équipe. Certains évoquent la peur de passer (uniquement) pour le candidat des banlieues.

Durant ces quelques heures dans les quartiers du Rhône et de la région parisienne, Benoît Hamon en a profité pour faire allusion à Emmanuel Macron. Le 1er avril, lors d'un meeting à Marseille, le candidat d'En marche avait cité le groupe d'IAM en trafiquant les paroles : «Oui, nous sommes bien nés sous la même étoile.» Le socialiste lui a répondu : «Je ne me contente pas simplement d'aller faire des jolies formules en citant IAM ou deux trois rappeurs alors qu'il a jamais écouté de rap de sa vie. Quitte à citer IAM, autant connaître les textes d'IAM. On n'est pas tous nés sous la même étoile.» Ce n'est pas faux. Mais s'il avait passé un peu plus de temps entre les tours, loin des bisbilles, peut-être que la sienne brillerait plus aujourd'hui.