Pendant la présidentielle, Libération sonde chaque jour des lieux de la «France invisible». Ce mardi, un quartier de Montpellier.
Rendez-vous à la terrasse de ce café de la Paillade, vaste quartier populaire au nord-ouest de Montpellier. Voici Imad, Mohamed et Jassim : ils n'ont pas l'âge de voter (les deux premiers ont 15 ans, le troisième 14 ans). Pourtant ces trois-là se battent pour que les adultes du quartier fassent entendre leur voix dimanche. Réunis au sein d'une association (Les clés de la jeunesse), ils ont, disent-ils, «tous eu cette idée en même temps» : «on est allé voir les gens pour leur dire qu'il fallait se remuer s'ils voulaient que ça change dans le quartier. Parce que les gens veulent des choses, et de leur côté, eux ne font rien.» D'ici dimanche, ces ados vont donc coller des affiches pour inciter les habitants à voter. «Certains jeunes le tournent à la rigolade, mais sinon, on est plutôt pris au sérieux», racontent-ils.
Pourtant même dans leur famille, le vote est loin d'être systématique. Mais ces ados insistent : «Si les gens d'ici ne votent pas, rien ne sera fait pour notre quartier.» Et eux savent que Mélenchon propose de baisser l'âge du vote à 16 ans…
Haziz, 42 ans, travailleur social et responsable associatif, déplore que l'abstention à la Paillade soit si élevée. «Dans les quartiers, il y a un dégoût de la politique, à cause des promesses non tenues.» Pourtant, Imad, Mohamed et Jassim prouvent qu'on peut aussi se mobiliser ici.
Nordine, 22 ans, en deuxième année de BTS technico-commercial, s'impose lui aussi comme un contre-exemple : «Mes parents m'ont toujours dit qu'il fallait s'intéresser à ce qui se passe dans le monde et j'y ai pris goût», raconte le jeune homme. «Je regarde au moins deux JT par jour. Chez moi, tout le monde vote systématiquement : mes parents, mes trois sœurs…»
Voter, mais pour qui ? «Mélenchon. Faut quelqu'un comme lui pour tout changer. Au moins, on sait ce qu'il pense, on a confiance en lui, sa politique économique a l'air concrète.» Et si le second tour oppose Fillon à Le Pen ? «Je suis citoyen avant tout, j'irai voter quand même.» Assise à ses côtés, Daouya, 47 ans, l'écoute avec un brin de nostalgie : «Moi, mes fils sont complètement désabusés et ils n'iront pas voter. J'aimerais bien leur redonner la lueur.»