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Présidentielle

«Je vais finir par me décider dans l’isoloir»

Parole d'électeurs qui hésitent encore entre plusieurs candidats à une semaine du premier tour.
Angélique hésite entre… les onze candidats ! (Photo Cyril Zannettacci pour Libération)
publié le 17 avril 2017 à 20h36
(mis à jour le 17 avril 2017 à 21h22)

Christophe, 25 ans, hésite entre Macron et Fillon

Christophe est cadre dans l’aéronautique à Chaumont (Haute-Marne).

«Je ne me sens pas représenté, mais un bulletin blanc n’a aucune valeur. Au regard du contexte, je me dis qu’il faut choisir celui qui fera le moins de dégâts. J’hésite entre Emmanuel Macron et François Fillon, qui sont, d’un point de vue économique, les deux candidats qui me semblent les plus cohérents. Le premier a été banquier. Là où l’on reproche aux politiciens d’être déconnectés, lui connaît le secteur de la finance, qui est un domaine clé. Le second a un programme qui pourrait permettre au pays de se remettre un minimum à niveau pour les prochaines années.

«Des gens souffrent plus que d’autres. Mais si l’on se tient aux programmes des onze candidats, aucun ne semble en capacité de réduire les inégalités de manière efficace. Benoît Hamon propose un revenu universel. Certes, il permettrait à des personnes de vivre mieux et c’est important. Néanmoins, ce serait encore la classe intermédiaire qui n’est jamais concernée par aucune aide à qui l’on demande de fournir les efforts. Mes beaux-parents sont artisans mais ne peuvent pas embaucher. Trop coûteux, encore plus quand la personne engagée ne fait pas l’affaire. Donc ils préfèrent se débrouiller seuls, quitte à faire stagner leur entreprise. De mon côté, je reste lucide : avec mes 2 000 euros par mois, je m’en sors bien ici.

«Le clivage gauche-droite ne signifie plus grand-chose. En termes d’immigration par exemple, le quinquennat de François Hollande a plutôt été à droite. En 2012, j’avais voté contre Hollande, sans adhérer à Sarkozy. J’essaye simplement de m’en tenir à des idées. Il y a cinq ans, si Dominique Strauss-Kahn s’était présenté, j’aurais voté pour lui.»

Angélique, 19 ans, hésite entre les onze candidats

Angélique est étudiante, elle vit à la Lachapelle- en-Blaisy (Haute-Marne).

«Parfois, il m'arrive de demander à ma mère pour qui elle va voter. Elle ne sait pas. Mais on n'en parle pas plus que ça. Si vous l'interrogez, elle préférera vous parler de bricolage (rires). La politique ? Je ne sais pas trop… A l'école, j'avais un ami qui était à fond là-dedans, je crois qu'il en est revenu. En cours, on n'en parle pas. Sincèrement, je m'intéresse plus à mes chevaux qu'à la politique. En fait, elle me paraît lointaine. Même quand ils parlent d'écologie, d'agriculture, ça semble compliqué. On est un village de 75 habitants, avec des maisons en travaux et quelques fermes. Parfois, il y a des tracts dans la boîte aux lettres, mais pas de porte-à-porte ou des choses de ce genre. J'ai vécu en région parisienne. En arrivant ici, on m'a parlé des Témoins de Jéhovah et des gens du voyage qui vendent des paniers : en fait, je ne les ai jamais vus. On est loin de tout et certains villages dans les alentours sont encore plus isolés.

«Il n’y a qu’une chose qui me fera me déplacer : le principe. Des femmes se sont battues pour qu’on puisse avoir le droit de voter, ce serait con de ne pas le faire. Après, je ne sais pas qui je choisirai. On vient de recevoir les programmes, je vais les lire attentivement. Je ne sais pas trop ce qui fera la différence. Je ne me sens ni de gauche, ni de droite. Je ne connais pas non plus tous les candidats, à part ceux qui ont l’habitude d’être à la télévision. Peut-être que les discussions de certains membres de ma famille, agriculteurs, qui racontent leurs difficultés à vendre leurs produits à des prix décents, vont influencer mon choix. Ou bien, la question des immigrés qui fuient la guerre. Ils souffrent aussi.»

Jean-Côme Tihy, 27 ans, hésite à voter Dupont-Aignan

Jean-Côme Tihy est employé dans une entreprise de com à Paris.

«Je ne sais vraiment pas pour qui voter. Même si j’ai participé à la Manif pour tous et me situe clairement à droite, je ne me reconnais pas dans les partis. Pour moi, l’élection présidentielle, c’est d’abord une affaire d’hommes, et je me sens aujourd’hui orphelin en politique. Il y avait bien François Fillon, mais je ne pourrai pas voter pour lui. D’abord, il y a tout ce qu’il n’a pas fait quand il était Premier ministre et ensuite, même s’il y a la présomption d’innocence, les affaires me l’ont rendu beaucoup moins sympathique et là, ça fait beaucoup. Son programme économique est aussi un peu rude. Marine Le Pen a des idées qui me parlent. Elle fait le bon constat sur les questions d’immigration ou l’identité nationale. Mais je ne vais pas pour autant voter pour elle. Ses conclusions sont trop souvent hâtives et sa pensée simpliste. Et elle reste très moyenne sur les questions économiques. Macron ? Il en est hors de question, ce n’est que le résultat d’un vide politique.

«Finalement, je me retrouve assez dans les débats que porte Nicolas Dupont-Aignan, mais ça reste un "petit candidat". Il est aussi un peu faible sur les questions de société, l’éthique, le mariage pour tous dont je voudrais l’abrogation. En fait, avant de voter pour quelqu’un, on vote pour soi, pour son avenir, pour ses amis, mais si je suis ce raisonnement, je ne voterai pour personne.»

Isabelle Pesnel, 61 ans, hésite entre Hamon, Macron et Mélenchon

Isabelle Pesnel est cheffe d’entreprise à Rennes.

«Ça m’emmerde de ne pas savoir pour qui voter. D’habitude je votais PS, au moins au second tour, sans trop me poser de questions. C’est la première fois qu’entre Hamon, Macron et Mélenchon, je ressens une telle indécision. Hamon est le candidat dont le discours correspond le mieux à mes idéaux, il a des idées magnifiques mais sont-elles réalistes ? Le revenu universel est-il envisageable aujourd’hui ? Faut-il remettre en cause le travail ? Je ne l’ai pas trouvé assez agressif dans les débats, comme battu d’avance.

«J’aime bien aussi Mélenchon, son humour, sa pertinence. Il est percutant et il y a autour de lui un enthousiasme intéressant. Mais je n’arrive pas à le suivre sur toutes ses idées, notamment sur l’Europe. Il a aussi un ego énorme et de qui va-t-il s’entourer en cas d’élection ? Cela m’inquiète.

«Reste Macron, pour éviter un second tour Fillon-Le Pen. C’est le vote utile mais on entend tout et son contraire à son sujet. En même temps, je ne détestais pas Valls comme Premier ministre et j’aime bien Jean-Yves Le Drian. Que ces deux-là se rallient à Macron, ça me trouble. Et s’ils avaient raison ? Puisque personne ne me plaît, j’avais d’abord pensé voter blanc, mais ce n’est pas reconnu et l’abstention favorise Le Pen. Jusqu’au dernier moment, je vais hésiter entre le vote du cœur et le vote utile. Si Le Pen passait, je m’en voudrais énormément».

Eric Dubois, 43 ans, hésite entre Macron, Mélenchon… et Lassalle

Eric Dubois est ingénieur à Marseille (Bouches-du-Rhône).

«Jusqu’à présent, côté convictions politiques, j’ai toujours eu tendance à écouter les gens autour de moi plus que mes propres idées. Mais j’ai l’impression que pour cette élection, mon vote va avoir plus d’importance que les fois précédentes. C’est tellement serré qu’il ne faut pas que je me loupe, d’où mon indécision. En 2012, j’avais voté Hollande parce qu’après Sarko, j’aimais bien le slogan de "l’homme normal", je pensais qu’il allait faire moins de vagues. A l’arrivée, il ne s’est rien passé, il a suivi le mouvement, comme les autres.

«Pour faire mon choix cette fois-ci, j’ai procédé par élimination. Le Pen, pas possible. Fillon non plus, avec toutes ces affaires énormes. Poutou, Arthaud, Cheminade… ce ne sont pas de vrais candidats. Hamon, c’est drôle, je n’y pense même pas, il est totalement transparent ! Restent donc Macron et Mélenchon.

«Emmanuel Macron, ce qui me séduisait au départ chez lui, c’est que c’est un économiste, jeune, talentueux. Mais plus les semaines passent, plus j’ai l’impression qu’il mange à tous les râteliers. Jean-Luc Mélenchon, lui, c’est la sagesse, le vieux lettré. Je suis aussi sensible à sa dimension écolo. Mais économiquement, je me demande s’il ne veut pas nous faire revenir quarante ans en arrière… Si ma femme, qui roule pour lui, ne me fait pas trop chier cette semaine, je voterai pour lui !

«Sérieusement, je vais surtout lire les résumés de leurs programmes respectifs et tenter de trouver la mesure qui me ferait basculer. Et si je ne trouve pas, je voterai inutile, c’est-à-dire Jean Lassalle : ce type a un côté nature énorme !»

Hélène, 55 ans, hésite entre Mélenchon et Macron

Hélène, juriste spécialiste du droit du travail, est à la recherche d’un emploi. Elle vit à Marseillan (Hérault).

«Après ce quinquennat peu couronné de succès, je pensais que c’était au tour de la droite de gouverner, même si je suis plutôt de gauche. Comme tout le monde à l’époque, il me semblait qu’Alain Juppé était tout désigné pour gagner… Mais c’est François Fillon qui a émergé. A partir de là, l’indifférence n’était plus possible. Je suis hostile à son programme, et je trouve l’homme presque inquiétant : son obstination en dépit des "affaires" paraît démesurée.

«Mais pour qui voter ? Macron m’est antipathique. Sous ses aspects plutôt cool, il a fait passer en catimini des lois qui remettent en cause certains droits des salariés. Son modèle, c’est celui de l’auto-entrepreneur. La société qu’il nous promet n’aura que peu de régulation. Pourtant, je pensais voter pour lui dès le premier tour, afin d’éviter le scénario insupportable d’un match Fillon-Le Pen. Mais depuis une dizaine de jours, la percée de Mélenchon me fait hésiter. C’est de lui dont je me sens le plus proche, car il propose une remise en cause de la position de la France au sein de l’Europe. Laquelle me semble nécessaire car, notamment en matière de droit du travail, l’Europe nous tire vers le bas. Mais cette poussée de Mélenchon est-elle suffisante pour parvenir au second tour ? Et Fillon va-t-il monter ? Si oui, faut-il revenir à Macron ? Je fais des tas de stratégies dans ma tête… Au bout du compte, je risque de me décider dans l’isoloir.»

Alain, 57 ans, hésite entre Hamon et Mélenchon

Alain, 57 ans, est cadre dans l’industrie et vit à Roubaix.

«J'hésite entre Hamon et Mélenchon. Je vois Mélenchon qui monte, sondage après sondage. J'aime bien son idée de réformer la constitution, la VRépublique s'essouffle. Je me dis qu'il a peut-être une chance d'être au second tour, vu les sondages. Mais en même temps, Mélenchon élu, je ne vois pas comment imaginer ça. J'ai une préférence pour Hamon, j'ai un côté PS-écolo depuis longtemps, et puis il a su se démarquer de Valls, avec les frondeurs du PS. J'ai tendance à me fixer sur des affinités politiques, pas sur les programmes, que je n'ai pas lus. Je suis déboussolé par cette campagne un peu merdique. Je trouve lamentable que Hamon et Mélenchon n'aient pas été foutus de faire un ticket gagnant. Je ne veux pas basculer dans le vote utile. Voter Macron pour éviter un second tour Fillon-Le Pen, non. Et puis, les sondages, qu'est-ce qu'ils valent ? Macron, je n'arrive pas à le situer – au centre droit, disons – et je considère que ce n'est pas une réussite en tant que ministre. C'est une politique de droite qui ne dit pas son nom. Ce qui m'embête, le second tour. Macron-Le Pen, je voterai peut-être Macron. Macron président avec un Bayrou Premier ministre, ça me rassurerait presque. Il y a chez Bayrou un côté moral, pas malsain. Il y a six mois, j'étais prêt à voter Fillon contre Le Pen, maintenant, je pense que je voterais blanc. Fillon m'a mis hors de moi. Mais en même temps, si Marine Le Pen était présidente, je serais choqué. Je sais que je ne suis pas très clair, pas très rationnel, mais on doit être beaucoup dans ce cas-là.»