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Billet

Marine Le Pen et Merah : une candidate en quête de scandale

En affirmant qu'elle aurait empêché les massacres de Toulouse et du Bataclan, Marine Le Pen cherche dans l'outrance une solution à ses difficultés. Un piège tendu à ses adversaires.
Meeting de Marine Le Pen au Zenith de Paris le 17 avril 2017. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 18 avril 2017 à 16h53

«Avec moi, il n'y aurait pas eu les terroristes migrants du Bataclan, ni Merah le tueur de militaires et d'enfants juifs.» On était lundi soir au Zénith de Paris pour entendre cette étonnante promesse de Marine Le Pen. Par ce discours, le plus radical qu'elle ait prononcé depuis le début de la campagne, la candidate du Front national voulait manifestement reprendre la main : en difficulté dans les sondages, elle devait convaincre ses sympathisants de se rendre en bloc aux urnes, et de ne pas lui préférer l'un ou l'autre de ses concurrents.

Centrant son propos sur les questions migratoires et sécuritaires, Marine Le Pen semblait admettre ce que beaucoup autour d'elles pensent sans le dire : que la promesse d'une sortie de l'Union européenne, loin de porter sa candidature, la plombe dangereusement. Et il y eut cette phrase : elle présidente, pas de bain de sang au Bataclan, pas d'enfants morts dans la cour de l'école Ozar-Hatorah de Toulouse.

L’aura des persécutés

A la corrida, on appelle cela une muleta : un gros morceau de toile rouge agité devant l'animal pour le pousser à la charge. Et ainsi mettre en valeur l'audace du torero. Dans l'absurde promesse du Zénith, n'y a-t-il pas une provocation visant à souder contre l'oratrice ce «système» qu'elle dénonce sans cesse ? Face à l'adversité, le FN a souvent cherché le salut dans un retour à la radicalité. Les condamnations morales ainsi provoquées renforcent la cohésion du parti, et lui confèrent, auprès de ses sympathisants, l'aura des persécutés. C'est toute l'histoire du parti qui peut se lire à travers cette oscillation entre normalisation et radicalité – l'une et l'autre représentant, pour le FN, un outil à utiliser selon les besoins du moment.

«Peu importe que l'on parle de vous en mal ou en bien, l'important est qu'on en parle», selon un adage prisé de Jean-Marie Le Pen que sa fille a semblé redécouvrir lundi soir. Se poser en remède absolu contre le terrorisme est certes absurde ; s'appuyer pour cela sur des crimes passés est obscène. Mais à quelques jours du premier tour, n'est-ce pas rendre à Marine Le Pen un fier service que d'ouvrir son procès en indécence ? Le faire est aussi risquer d'offrir à sa campagne le soufre et la flamme qu'elle n'a, jusqu'ici, pas été capable d'y mettre.