De Gaulle à toutes les sauces. Syndrome d’une perte de repères de la classe politique ? Dépoussiérage d’une figure de rectitude dans le cadre une campagne pourrie par les affaires ? Le fait est qu’on n’a jamais aussi souvent entendu parler de De Gaulle.
Mardi, à Lille, c’est François Fillon qui s’est réclamé du grand Charles pour mieux renvoyer Jean-Luc Mélenchon à son modèle supposé :
.@FrancoisFillon : « JL. Mélenchon est un nostalgique de Cuba et de Castro. Moi, je choisis le Général de Gaulle. » #FillonLille pic.twitter.com/p5wfNYultU
— Soutien Fillon 🇫🇷 (@ElyseeFillon17) April 18, 2017
En août, grinçant, à propos des ennuis judiciaires de Nicolas Sarkozy, le même Fillon s'était aussi appuyé sur De Gaulle… mais pour taper sur la tête de son principal adversaire de la primaire : «Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?»
François Fillon ignorait alors qu’il ouvrait une boîte à gifles dont il deviendrait – une fois mis en examen lui-même – la principale victime.
Ainsi, la formule lui fut retournée ad nauseam. Et toutes les turpitudes présumées du candidat LR ont été moquées/jaugées à l'aune de la probité du Général :
Manuel Valls avait déclaré, fin janvier, en référence à l'emploi de Penelope Fillon comme assistante parlementaire : «Vous imaginez le général de Gaulle employant tante Yvonne à l'Elysée ?»
Yannick Jadot avait eu la même idée : «Est-ce que l'on pourrait imaginer madame de Gaulle occupant un emploi fictif payé par le contribuable ?»
«On ne peut pas se dire gaulliste si l’on est soumis à Bruxelles»
Jean-Christophe Cambadélis avait proposé cette variante, début février, se référant, lui, aux activités de conseil de François Fillon, pour Axa notamment : «Je ne voudrais pas être cruel mais imagine-t-on le général de Gaulle conseiller rémunéré des multinationales ?»
Sur le site de Marianne, René Dosière, député socialiste, en pointe sur les affaires de transparence, déclarait ainsi le 13 mars, à propos de l'affaire des costumes offerts à François Fillon par Robert Bourgi : «Qui imagine le général de Gaulle se faire offrir 48 500 ou 13 000 euros de costumes ?»
Quant à Henri Guaino, c'est à propos de la propension de Fillon à mettre en avant sa foi comme argument électoral qu'il avait dégainé le référent De Gaulle : «Le général de Gaulle, Pompidou, allaient à la messe. Qui imagine le général de Gaulle aller à la télé et dire "je suis le candidat chrétien, catholique" ?»
Benoît Hamon avait fait coup double en meeting à Bercy, le 19 mars, égratignant Fillon (toujours) mais aussi Macron : «Le parti de l'argent a trop de candidats dans cette élection. Il a plusieurs noms, plusieurs visages. Ils ont peut-être le sens des affaires, moi j'ai le sens de l'Etat. N'est pas Michel Rocard ou le général de Gaulle qui veut.»
Avant que n'éclatent les affaires Fillon, Nicolas Dupont-Aignan lui avait aussi donné du De Gaulle en guise de bourre-pif : «François Fillon est une imposture gaulliste. Le gaullisme, ça commence par l'indépendance nationale. On ne peut pas se dire gaulliste si l'on est soumis à Bruxelles.» Mais il avait également convoqué l'illustre figure pour cogner en bloc sur l'ensemble de la classe politique, accusée de ne pas tirer les conséquences de ses échecs : «Quand le général de Gaulle a été désavoué, il est parti. Aujourd'hui, les dirigeants s'accrochent aux branches.»
«Le général de Gaulle s’est entendu avec Staline et Mao»
L'autre usage de la figure de De Gaulle consiste à s'en réclamer. On a eu ainsi du général servi à la sauce Le Pen en revendiquant un même modèle d'Etat stratège : «L'Etat-stratège c'est la vision de De Gaulle, c'est la vision de Pompidou.»
C'est à propos de la posture indépendante défendue par De Gaulle et de la politique étrangère que Jean-Luc Mélenchon l'a cité : «Le général de Gaulle s'est entendu avec Staline, il s'est également entendu avec Mao. Le moment venu, je trouverai bien le moyen de m'entendre avec Poutine, il s'agit d'empêcher que la guerre ait lieu sur le continent.»
Jacques Cheminade s'est livré pour sa part à une audacieuse comparaison : «Je veux susciter la même chose contre l'occupation financière que De Gaulle le 18 juin 1940.»
Emmanuel Macron a également tiré à lui un petit morceau de la couverture De Gaulle, pour faire reluire sa politique transpartisane. Lors de son meeting de Paris, dimanche, le candidat d'En marche a ainsi déclaré : «Comme De Gaulle, je choisis le meilleur de la gauche, le meilleur de la droite, et même le meilleur du centre.»
On notera, au début de la campagne, ce dernier usage de la carte De Gaulle, plus original, par François Fillon (à nouveau). Il s'agissait cette fois d'exonérer le meilleur ennemi de Fillon, Jean-François Copé, coupable d'avoir estimé à 10 ou 15 centimes d'euros le prix d'un pain au chocolat. Dans un élan d'indulgence, Fillon avait excusé l'ignorance de Copé et déclaré fin octobre : «Vous pensez que le général de Gaulle faisait ses courses ?»