Pendant la présidentielle, Libération sonde chaque jour des lieux de la «France invisible». Le jeudi, un club de handball près de Marseille.
C'est un peu la pression d'un match décisif, un derby à haut risque, un PSG-Marseille, ces jours précédant l'élection de dimanche… Non ? «Pas du tout ! évacue Didier, l'un des premiers arrivés au rendez-vous hebdomadaire des handballeurs sudistes. Dimanche, je vais aller voter, puis je vais regarder Téléfoot, après j'irai travailler sur ma moto… Je ferai comme pour l'Euromillion : je regarderai le résultat le lendemain, c'est tout !»
Après trois mois d'une campagne chaotique, la lassitude a gagné le vestiaire. Kader, arrivé à la bourre, a déjà musclé ses arguments : «Tout le monde trouve ces élections révolutionnaires, mais on a déjà vécu ça en 2002, soutient le prof de sport. L'histoire se répète : si on a un second tour Fillon-Le Pen, j'irai voter Fillon. Mais je ne vais pas changer ma façon de voter pour autant.» Pour le premier tour, entre Hamon et Mélenchon, il tranchera dans l'isoloir.
Gilles, toujours solide dans son vote blanc, a tout de même visionné cette semaine les clips des candidats. Celui de Marine Le Pen, à la barre de son voilier, est jugé le mieux ficelé à l'unanimité. «En comparaison, celui de Fillon, c'est le clip des années 80, avec ses costards de vieux !», remarque Nicolas. Kader se marre : «Pour moi, le meilleur moment, c'est quand à la fin y a écrit : "C'était François Fillon !"»
Autour du quadra, le match se joue surtout entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. «J'étais chez des copines handballeuses la semaine dernière, j'ai vu le côté "on a tout essayé sauf eux"…» Chez les potes de Gilles, c'est le candidat de La France insoumise qui suscite la ferveur. «Sur WhatsApp, tu discutes tranquille et d'un coup, t'en as un qui balance "votez Mélenchon !". C'est un peu trop !» Nicolas l'instituteur a beau être mélenchoniste, il confirme : «Je n'aime pas trop les fanatiques. Mais s'il nous offre une mini-révolution, c'est déjà mieux que rien…» Lui ira voter dans la matinée, avec ses filles, avant de s'installer devant la télé à 20 heures. «Mais pas longtemps, moi aussi ça me gave, leurs analyses», précise-t-il, avant de rêver : «A moins que l'on ait un second tour Macron-Mélenchon…»