Mardi soir, Jean-Luc Mélenchon était un peu partout. Physiquement, à Dijon. Son hologramme, lui, était à Nancy, Grenoble, Montpellier, Clermont-Ferrand, Nantes et au Port, à La Réunion. L’opération, qui a coûté près d’un million d’euros, est une réussite. Elle a rassemblé près de 30 000 personnes. A la fin de son discours, on a eu le sentiment que Jean-Luc Mélenchon ne voulait plus quitter la scène. Il a profité du moment. Un artiste debout, après son stand-up, devant la foule. Son équipe, en coulisses, avait les larmes aux yeux. Une histoire se termine. Celle d’une campagne électorale un peu folle. Jean-Luc Mélenchon enchaîne les meetings depuis plus d’un an. Il a connu des hauts, des bas. Le tribun termine aux portes du second tour.
«La République est une et indivisible»
Dimanche, peu importe le résultat : pour lui, c'est une nouvelle histoire qui s'ouvre. En attendant, sur scène, le tribun à la chevelure grise est revenu à la base. Terminées les tirades, les polémiques sur sa position vis-à-vis de la Russie ou du Venezuela. Jean-Luc Mélenchon est resté en France. «Le programme c'est de pouvoir vivre dignement de son travail, d'être soigné quand on est malade, de pouvoir s'arrêter de travailler quand c'est l'heure», a-t-il dit sous les applaudissements. Il s'est présenté comme le candidat de «l'égalité et de la justice sociale». Puis, il a tapé sur un candidat avec les deux mains : Emmanuel Macron, qu'il surnomme «l'intelligent, le moderne, l'ébouriffé». Ça donne : «Ce qui est moderne, c'est la Sécurité sociale, ce qui est moderne, c'est le code du travail, ce qui est moderne, c'est la loi pour tous, le travail qui permet de vivre.» Ou bien : «Monsieur Macron, comment avez-vous osé dire que les jeunes des quartiers populaires préféraient faire Uber que dealer ?»
Le candidat en a profité pour parler des parents qui vivent entre les tours, dans les quartiers, ceux qui se saignent au charbon pour faire grandir «dignement» leurs marmots. Il s'est indigné contre les contrôles au faciès : «Ça suffit! La République est une et indivisible. Et tous ses enfants sont les bienvenus en son sein.» Au fil des mots, des attaques et des messages à l'endroit des plus démunis, Jean-Luc Mélenchon a invité l'Europe. Ces derniers temps, depuis sa percée dans les sondages, ses concurrents l'accusent, à raison, d'envisager une sortie du Vieux Continent. Son plan A : il renégocie la sortie de tous les traités. Son plan B : la France sort de l'Europe si les négociations tombent à la flotte. Mardi, il a changé de refrain : «Ne croyez pas ceux qui vous disent que je souhaite sortir de l'Europe, de l'euro.» En fait, il se croit certain de pouvoir trouver un «point d'accord» dans la renégociation des traités avec l'Allemagne car c'est un pays «partenaire, et dans un partenariat, on discute».
Photo Boris Allin. Hans Lucas pour «Libération»
Eluard pour finir
En fin de soirée, dans une ambiance électrique, Jean-Luc Mélenchon laisse la place aux sentiments. Une voix plus calme, posée pour rappeler le chemin parcouru. Puis, il s'est enflammé, une dernière fois. «On nous dit qu'on se rapproche du second tour, il se peut que nous allions à la qualification», a-t-il lâché avant de prévenir les siens: «Mais pour pouvoir voter pour moi au second tour, encore faut-il que j'y sois. Il faut encore convaincre, convaincre. Vous devez accueillir tous ceux qui défendent la France du partage, peu importe d'où ils viennent.» Comme toujours, avant d'éteindre les lumières, le tribun a conclu avec un texte. Pour la dernière, il a lu un passage de «Et un sourire», signé Paul Eluard. Derrière nous, une femme s'est mise à pleurer. Car ce texte de Paul Eluard est affiché au-dessus de son lit depuis plus de vingt ans.