On va faire preuve de paresse et filer la métaphore circassienne, car mercredi soir Dupont-Aignan était en représentation chez Bouglione. Même qu'il a dompté les «lions» dans un numéro digne des plus grands trapézistes. Le candidat a usé la formule jusqu'à la corde au fil de son discours puis en signant des autographes aux primo-acquérants de son livre de campagne. Dans le lot, en passant, l'un des fils Bouglione, justement, venu saluer le chef de Debout la France avec un pin's «Croix de Lorraine» accroché au veston. «Je voulais essayer le trapèze volant mais j'ai pas osé», lance Dupont-Aignan, qui plafonne sous les 5% dans la plupart des sondages.
Il est un peu plus de 20 heures au Cirque d'hiver, à Paris, «NDA» vient de clore son dernier meeting de campagne «avant le premier tour» de la présidentielle. Devant 1 500 personnes et 1 000 internautes en direct sur Facebook, pas mal de jeunes placés devant les gradins par l'équipe de campagne, et un vice-président de Debout la France, Patrick Mignon, qui avait mis sa belle cravate rouge : «J'ai des gros doutes sur les sondages actuels.» Ça a crié «on va gagner», chanté «po po po po po po pooo», hué Macron et Mélenchon. «Ça n'est pas parce qu'on multiplie les hologrammes qu'on est pour autant démocrate», a balancé celui qui nous confiait pourtant il y a quelques semaines avoir aussi voulu user du bazar, mais «c'était trop cher». Ça a sorti les klaxons et évidemment entonné la Marseillaise. On a aussi vu le clip de campagne du candidat à la présidentielle : là Nicolas à la plage, ici Nicolas dans les vignes, Nicolas en doudoune Uniqlo…
Dupont-Aignan a déroulé longuement sur le «système», l'a opposé aux «patriotes», ceux présents dans la salle et qui, eux, représentent «la France libre, la France juste, la France fière, la France qui ne s'achète pas». «Le système, il sait que le peuple ne le supporte plus : leurs privilèges, leurs fréquentations», a aussi dit le candidat. Et là un type a crié «voleurs !» depuis sa chaise. «Il y a eu ces primaires bidon qui ont abouti à ces candidats en carton-pâte, puis le fils prodigue de François Hollande transformé en chevalier blanc de la pensée unique, le disque rayé des candidats que le système aime tant pour faire peur aux Français. […] Ils ont pris en otage le débat présidentiel, honte à eux !» Applaudissements. Plus tard : «Le système, ce sont les multinationales, les banquiers, les lobbyistes en tout genre qui intriguent à Bruxelles. Ensemble, ils ont acheté les hommes politiques et le silence des médias». Puis : «Alors bien sûr, nous serions complotistes.»
Encore : «le système a manipulé l'opinion pour voler l'élection présidentielle aux Français» ; «tout a été fait dans cette campagne pour favoriser les candidats du système» ; «je pourrais parler des journalistes qui parfois ont été encadrés, et je tiens les preuves de ce que j'avance : l'encadrement par des grands propriétaires de médias qui ont fait pression pour qu'on fasse taire certains».
Mais le candidat, «gaulliste» autoproclamé, a aussi parlé de la «richesse de la diversité française», enjoint les Français à aller voter parce que «si tous les Français qui ont envie de s'abstenir prennent leur bulletin de vote et vont réfléchir dans le secret de l'isoloir au meilleur candidat, je peux vous assurer que je serai au second tour et nous gagnerons la présidentielle».
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Il a rappelé quelques mesures phares de son programme : le travail universel, les 40 000 policiers supplémentaires et dans le public, Thomas, 30 ans, fonctionnaire de police, a apprécié. A la différence de beaucoup de ses collègues, il ne goûte guère Marine Le Pen – sa «personnalité» comme son «arrière-boutique» – et vote donc NDA et sa «philosophie» : «Son idée de souverainisme social, selon lequel on peut avoir des idées de droite avec une dimension sociale, des aides en faveur de ceux qui n'ont pas les moyens.»
Sur scène, NDA a aussi brocardé Bernard Kouchner, Jean-Michel Baylet, Alain Minc ou Laurence Parisot, ces «vieilles gloires de la politique politicienne, [qui] se sont toutes regroupées derrière monsieur Macron. […] De vieilles gloires déchues qui vont à la recherche d'une survie artificielle». A ce moment-là, des supporteurs du candidat de Debout la France ont commencé à hurler «à la soupe, à la soupe, à la soupe !» et Dupont-Aignan leur a répondu ceci: «Comme me le prédisait une personnalité dont je révélerai le nom un jour "il vaut mieux que tu manges une bonne soupe chaude que du pain rassis". Et bien non, je préfère avec vous manger du pain rassis qu'une vieille soupe déshonorante.»
Au premier rang du Cirque d'hiver, Raphaël, Gaëtan et Grégoire, trois lycéens de 17, 17 et 18 ans, étaient en joie. «Je suis gaulliste et patriote, mais pas comme le Front national, parce qu'il faut pas confondre le patriotisme avec le nationalisme, avec le mépris des autres», nous avait glissé l'un d'eux un peu avant le début du meeting.
Plus tard, NDA parlera des Français comme des «lions dirigés par des ânes», pour les engager à «rugir comme des lions pour nous débarrasser des ânes». Le message est passé. A la fin du discours, un militant a exulté : «Les autres partis ils ont des ânes, mais nous on a le bon cheval !»