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Libération
EDITORIAL

Quatre France

publié le 20 avril 2017 à 18h56

Voyons les choses du bon côté. Dans cette campagne lunaire, martienne, vénusienne, fondée sur un scénario digne de Rocambole, et une mise en scène de Salvador Dalí, les choix sont néanmoins limpides. La clarté dans la confusion… Si l'on se penche sur les projets des principaux candidats, dont Libération donne ici une version condensée et commode, quatre futurs plus ou moins désirables se découpent pour le prochain quinquennat.

1 L'embardée nationaliste et xénophobe de Marine Le Pen, dont les sondages disent toujours qu'elle sera au second tour. Sortie de l'euro, sortie de l'Europe, rétablissement des frontières, abolition du droit du sol, expulsion massive des sans-papiers, arrêt du regroupement familial et de l'immigration économique légale, préférence nationale dans les entreprises, restriction du droit de manifester, défense agressive d'une identité française étroitement définie, rétive à tout mélange : la cheffe du Front national n'a pas mis son drapeau brun dans sa poche. Bien sûr, pour mettre tout cela en œuvre, il lui faudra trouver une majorité au Parlement et gagner deux référendums. Mais sa victoire mettrait la France au ban de l'Europe démocratique, chahuterait comme jamais l'économie nationale et jetterait le pays sur la pente d'un isolement agressif qui prendrait l'étranger comme bouc émissaire de ses échecs. Tout républicain aura à cœur de ne pas tenter le diable.

2 Le modernisme social-libéral du chérubin centriste Emmanuel Macron, l'autre favori des enquêtes-d'opinion-qui-peuvent-se-tromper. Nulle aventure dans cette politique raisonnable, entrepeneuriale, réformiste, européenne, qui amenderait certes l'Etat-providence pour favoriser la mobilité - et donc réduirait certaines garanties - mais sans casser les assiettes ni faire reculer substantiellement la dépense publique. La réforme et le marché, sous le signe de l'ouverture : le vieux rêve de Bayrou ou de JJSS enfin réalisé.

3 Le choc libéral et conservateur projeté par François Fillon, qui serait le premier mis en examen de l'histoire à accéder à l'Elysée. Un programme raide sur l'immigration, mais exempt de xénophobie, un recul net de la puissance publique, une dérégulation de l'économie, une baisse des impôts centrée sur les classes dirigeantes, une politique étrangère ambiguë, gaullo-poutinienne mais un engagement européen réitéré. Une droite dure et bien peignée.

4 Le tournant social et écologique, avec deux variantes, hamonienne ou mélenchonienne. La première promet un «avenir désirable» plutôt neuf, aussi vert que rose, mais s'emmêle un peu les pinceaux sur la question du travail, dont Hamon a d'abord annoncé la fin quand l'électorat de gauche attendait plutôt la fin du chômage. Une version hard et ultradépensière avec Mélenchon, qui programme la sortie de l'Europe si son bras de fer avec l'Allemagne tourne mal. Audace ou présomption ? Le financement de ces deux programmes est un peu nébuleux et repose, in fine, sur une meilleure croissance. Enfin l'aventure ?