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Défaite

Au PS, le règlement de comptes attendra

Réuni lundi après la déroute de Benoît Hamon, le parti a lancé une offensive contre le FN. Pour mieux repousser le débat sur sa ligne.
Au QG de Benoît Hamon, dimanche. (Photo Cyril Zannettacci pour Libération)
publié le 24 avril 2017 à 20h16

Se donner bonne conscience, et deux semaines de répit. Au lendemain du pire score de leur histoire depuis 1969 dans une présidentielle - et les 5,01 % de Gaston Defferre - les dirigeants du Parti socialiste ont camouflé lundi leurs divisions sous un appel unanime à faire barrage au Front national. En votant le 7 mai pour Emmanuel Macron, «sans hésiter, sans détour et sans condition», a précisé lundi midi le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis. François Hollande a fait de même quatre heures plus tard. Face au «risque» que «l'extrême droite fait peser sur l'avenir de la France», il votera Macron.

«Après». Comme souvent après un séisme, les socialistes ne bougent pas. Lundi matin, le bureau national (BN) du parti aurait pu être le théâtre de règlements de comptes entre pro-Hamon pointant les «trahisons» des uns et les pro-Hollande pour qui ce score est la conséquence d'une campagne trop à gauche, trop écologiste… Une fois de plus, les socialistes remettent l'explication à plus tard. «Si on règle nos comptes maintenant, ce sera mal fait. Aujourd'hui, c'est tous unis contre le FN. On verra après pour les législatives», assure le député Christian Paul.

L'appel à faire barrage au FN permet aussi aux socialistes de jouer la carte de la «gauche responsable» en direction de ses électeurs partis chez Mélenchon ou Macron. En rappelant à ceux partis chez le premier qu'ils ne lésinent pas sur ce «principe républicain» : «Face à un tel risque, il n'est pas possible de se taire, pas davantage de se réfugier dans l'indifférence», a insisté Hollande en direction de son ex-camarade. Mais aussi en s'alarmant de «la mise en scène prématurée et déplacée d'une victoire qui n'a pas encore eu lieu», ajoute Olivier Faure, patron des députés PS.

Le seul coup de burin sur la façade de Solférino est venu de Manuel Valls. A peine levé, l'ex-Premier ministre a appelé à la «clarification» et à un engagement dans la future majorité Macron. «Nous sommes dans une phase de décomposition […], de démolition», a-t-il expliqué sur France Inter. Cambadélis a calmé les ardeurs de celui qui réunit ses troupes ce mardi soir, à Paris. Si «ces résultats marquent la fin d'une époque et appellent un profond renouvellement, a-t-il concédé, le temps de l'explication n'est pas venu». Le patron du PS prévient : «La séquence politique va jusqu'au 18 juin et la fin des élections législatives.»

Difficile, pourtant, de tenir l'unité jusqu'à cette date. «Nous voulons être dans l'opposition à Macron», tranche Guillaume Balas, proche de Hamon. Certains soutiens du candidat PS militent même pour un accord législatif avec Mélenchon et les siens. Côté direction, on est sur une autre ligne : aller aux législatives avec le poing et la rose sans s'interdire, en cas d'absence de majorité pour le futur président, d'y participer. Hypothèse qui ne fait pas l'unanimité au gouvernement. Dimanche, une dizaine de ministres a passé la soirée à Matignon. La discussion a été tendue entre tenants d'un PS sous ses propres couleurs et partisans d'un accord avec En marche. En attendant une décision en BN ou en conseil national, «il faut faire ce qu'on n'a pas fait depuis des années : préparer une synthèse et préserver l'unité», dit Faure.

«Repoussoir». Cette reprise en main par les autres grandes familles du PS renforce, dans le camp Hamon, «l'idée d'un nouveau mouvement», peut-être dès les législatives. «Sous quelle forme ? Il est trop tôt pour le dire, glisse-t-on dans son entourage. Benoît n'a pas l'intention de lâcher quoi que ce soit, mais on sait à quel point l'étiquette PS a été un repoussoir pour les électeurs de gauche.» Si Hamon est disqualifié pour les législatives, peu de ténors sont partants. Certains plaident pour Bernard Cazeneuve «tout à fait désigné pour mener la campagne», selon Stéphane Le Foll. Surtout que le Premier ministre, sur le point de prendre sa retraite, n'a plus rien à perdre. Un conseiller de l'exécutif résume : «La question est "qui veut être le chef de la bérézina ?" Il y a mieux comme fiche de poste.»