Des signes de victoire, un dîner dans un restaurant chic de Paris, un discours creux au terme d’un premier tour qui l’a porté en tête des suffrages… Emmanuel Macron ne semble pas encore avoir pris la mesure de la charge qui pèse sur ses épaules. Et ce n’est qu’à ce titre qu’il pourra compter battre Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Et plus encore, gouverner dans une France apaisée.
Rafraîchissons-lui un peu la mémoire. Nous sommes au soir du 5 mai 2002. Jacques Chirac vient de terrasser Jean-Marie Le Pen qui n'a quasiment pas gagné une voix de plus par rapport au premier. A cette époque, le front républicain ne souffre d'aucun doute. Du moins à gauche. Les Français sont descendus par millions dans la rue pour manifester leur haine du FN et ce qu'il représente. Le candidat de la droite dite républicaine n'avait même pas pris la peine de débattre avec son adversaire à la télévision. Cette unité face au parti d'extrême droite était une évidence. L'obligation pour Chirac de placer son second mandat sous le signe de ce rassemblement démocratique l'était tout autant. Du moins jusqu'à ce 5 mai. Car la situation actuelle faite d'incertitudes et de bouleversements majeurs, on la doit beaucoup à ce moment politique dont les enjeux politiques n'ont pas été respectés à leur juste valeur.
Quinquennat inutile
En gage de rassemblement, Jacques Chirac s'est contenté de nommer à Matignon un Jean-Pierre Raffarin dont l'action et le discours ont laissé autant de traces qu'un Jean-Pierre François dans la chanson française. Et fait rentrer le loup Sarkozy dans la bergerie de la droite. On connaît le résultat. Un quinquennat inutile. Une buissonnisation rampante des esprits en dehors de toute rationalité. Une droite républicaine qui finit par devenir une pâle copie du FN à force de vouloir en siphonner les voix et au prétexte de vouloir tenir un discours de vérité.
Et nous voilà au soir du 23 avril 2017, dans une situation qui rappelle celle de 2002, sauf que le FN n'a jamais été aussi fort et installé, que ce sont les deux principaux partis de France qui ont été éjectés du second tour, et que le front républicain n'a jamais semblé aussi fragile, même à gauche. La responsabilité d'Emmanuel Macron n'en est que plus grande. Et les signes qu'il a envoyés dimanche n'en sont que plus inquiétants. Brandir des signes de victoire alors qu'il est loin d'avoir partie gagnée et réunir ses amis dans un restaurant chic d'un quartier chic qui n'est pas sans rappeler le Sarkozy du Fouquet's sont indignes de la position dans laquelle il se trouve.
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L’objectif d’Emmanuel Macron ne doit pas être seulement de remporter l’élection présidentielle. Il doit être en mesure d’envoyer un message fort à un pays fracturé, de proposer un socle commun à partir duquel on peut reconstruire le paysage politique. Et contrairement à Chirac, il ne pourra pas dire qu’il ne savait pas.