Ce discours de la défaite, François Fillon l'avait évidemment préparé. Même si, comme le rapporte l'un de ses proches, «il était resté jusqu'au bout sincèrement persuadé» que la victoire était possible. «Malgré tous mes efforts, malgré ma détermination, je n'ai pas réussi à vous convaincre» a-t-il constaté depuis son QG où l'avaient rejoint, en fin de soirée sa famille et ses plus proches. Dans sa courte déclaration, il a tenu à faire passer deux messages : voter Macron le 7 mai et préserver l'unité de la droite et du centre pour les élections législatives.
Il s'est abstenu, en revanche, de confirmer son retrait de la vie politique, qui reste néanmoins une évidence pour son entourage. «Sa décision est prise. Il a déjà dit qu'il ne briguerait plus d'autre mandat. Mais dimanche soir, il estimait que ce n'était pas le moment de parler de lui», explique-t-on dans son entourage. Fidèle à lui-même, le perdant n'a rien laissé voir de ses émotions après l'annonce de son échec. «Il était très digne, très calme», confie une de ses collaboratrices. «Aucun signe d'accablement ni de colère, rien. Il m'a posé la main sur l'épaule et il est passé à autre chose» ajoute le député LR Jean-François Lamour, indéfectible soutien de l'ex-Premier ministre depuis près de dix ans.
Règlement de compte
Alors que les responsables de LR commençaient déjà à se diviser sur les plateaux de télévision à propos de l'attitude à adopter vis-à-vis du FN, Fillon a tenu à manifester sa fidélité à la position formulée jadis par son ex-mentor Philippe Seguin, adversaire sans concession de l'extrême droite. «Le FN a une histoire qui est connue pour sa violence et son intolérance. Son programme économique mènerait notre pays à la faillite. A ce chaos économique et social, il faudrait ajouter le chaos européen avec la sortie de l'euro», a rappelé Fillon, justifiant ainsi son appel à voter Macron. «L'abstention n'est pas dans mes gènes, surtout lorsqu'un parti extrémiste s'approche du pouvoir» a-t-il précisé.
Un message que ne semblent pas avoir reçu beaucoup de ses alliés : Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau se sont contentés de proclamer qu’ils ne voteraient pas Le Pen, sans rejoindre le «rassemblement derrière Macron» prôné par de nombreux dirigeants LR, à commencer par Jean-Pierre Raffarin. Quant à l’association anti-mariage gay Sens Commun, elle faisait savoir dimanche soir qu’elle refusait de choisir entre «le chaos» avec Le Pen ou le pourrissement avec #Macron.
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Selon Fillon, c’était son deuxième message, le vote pour Macron n’empêchera pas la droite et le centre de se faire entendre à l’occasion des élections législatives. A condition de rester «unis et déterminés» dans les semaines qui viennent. Ce sera le sujet du bureau politique convoqué lundi après-midi au siège du parti. Tous les responsables du parti, y compris Fillon, Juppé et Sarkozy, sont membres de droit de cette instance. Cette réunion risque de tourner au règlement de compte. Dès hier soir, de nombreux élus LR ont mis en cause la responsabilité personnelle de Fillon dans le naufrage de la droite.
Dans son allocution, le candidat n'a fait que très brièvement références aux affaires. Il dit «assumer» ses responsabilités: «Cette défaite est la mienne et c'est à moi et moi seul qu'il revient de la porter». Une précision qui ne suffira sans doute pas à protéger certains de ses plus ardents soutiens, notamment ceux qui, à l'image de François Baroin et de Bruno Retailleau, l'ont encouragé à aller jusqu'au bout en refusant, début mars, de se démettre au profit d'Alain Juppé. «Les obstacles mis sur ma route étaient trop nombreux, trop cruels» a constaté Fillon dimanche soir, suggérant que l'injustice qui lui a été faite serait un jour révélée : «Le moment venu, la vérité de cette élection sera écrite.»