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Libération
Sans eux le 7 mai

«Ni-ni» de gauche et «ni-ni» de droite : leurs arguments

A droite comme à gauche, certains ont refusé de donner de consigne de vote pour le second tour. Les arguments de la droite sont plutôt anti-Macron, ceux de gauche expliquent juste qu'il n'est pas un barrage au FN.
Emmanuel Macron et Marine Le Pen. (Photos Albert Facelly et Laurent Troude)
publié le 24 avril 2017 à 14h47

A rebours du «front républicain», certaines personnalités refusent de choisir entre Macron et Le Pen au deuxième tour. Ce «ni-ni» rassemble finalement de Sens commun et Jean-Frédéric Poisson à Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou. Mais leurs justifications sont très différentes.

Alors que François Fillon a immédiatement appelé à voter Macron, certains de ses soutiens jusqu'au-boutistes ont fini par le lâcher là-dessus. C'est le cas de Sens commun, l'émanation politique de la Manif pour tous qui, dans un communiqué publié dimanche soir, ne donne pas de consigne de vote. «Devant le choix qui leur est aujourd'hui proposé entre l'extrême droite et l'extrême flou, nous demandons aux Français de peser en conscience les conséquences de leur vote lors du second tour. Respectueux de la liberté de chacun, Sens commun ne donnera pas de consignes, suivant son habitude.» Dans une interview à Famille chrétienne, son président Christophe Billan est allé un peu plus loin, parlant de «dilemme», mais aussi de «danger» et d'options «délétères». «L'abstention, le chaos ou la décomposition. Nous mesurons pleinement le danger que comportent ces deux dernières options. Nous laisserons à chacun sa liberté de conscience. Nous ne voulons pas embrigader, c'est dans notre ADN à Sens commun. Je le répète, les deux options qui sont devant nous m'apparaissent délétères. D'un côté le régime étatiste de Marine Le Pen, de l'autre la déconstruction irréaliste d'Emmanuel Macron.»

Quant au très droitier Charles Millon, dont l'arrivée dans l'équipe de François Fillon avait embarrassé, il l'a tweeté très clairement.

Du côté du Parti chrétien-démocrate de Jean-Frédéric Poisson, on ne choisit pas non plus entre une «dérégulation généralisée» et un «blocage institutionnel», a-t-il expliqué sur LCI. Sur Twitter, il a d'abord affirmé qu'il ne voterait pas Macron, sans pour autant dire qu'il voterait Le Pen.

Un communiqué du parti publié après minuit souligne que «l'alternative entre la France bloquée de Marine Le Pen et la France dérégulée d'Emmanuel Macron n'est pas un choix». Mais, alors qu'il évacue rapidement le «blocage institutionnel» que représenterait Le Pen, il consacre un paragraphe entier à Emmanuel Macron, «héraut du libéralisme libertaire et le fils spirituel de François Hollande, avec l'expérience et la majorité parlementaire en moins». «C'est cette ligne politique à laquelle ont collaboré Macron et Hollande qui a tant fragilisé la France.» On retrouve le choix «en conscience» invoqué par Sens commun. «Ces projets proposés par Marine Le Pen et Emmanuel Macron ne prennent pas en compte ces conditions nécessaires à ce que la France soit fidèle à elle-même, voire y sont opposés. C'est pourquoi le PCD ne peut soutenir ni l'un ni l'autre de ces candidats et invite les Français à choisir en conscience, sans se soumettre à aucune pression ou chantage moral», conclue le communiqué, beaucoup plus incisif contre le candidat d'En marche que contre son adversaire du second tour.

L'ancienne présidente du PCD, elle, a tranché. Immédiatement après 20 heures, Christine Boutin a rappelé son opposition au programme de Macron.

Et a expliqué à l'AFP qu'il était «possible» qu'elle vote Le Pen, si elle s'engage sur «des points fondamentaux». «Je ne peux pas dire que Marine Le Pen, ce soit ma tasse de thé, mais Emmanuel Macron, jamais ! Lui, c'est la peste et le choléra.»

Elle est rejointe sur ce point par Nadine Morano, qui «tombe de l'armoire» en entendant LR appeler à voter Macron, et appelle plutôt à penser aux législatives.

Toujours à droite, Henri Guaino qui avait annoncé qu'il «irait probablement à la pêche» en cas de second tour Macron-Le Pen ne dévie pas de sa ligne. «Je ne veux pas voter pour madame Le Pen et je ne veux en aucun cas voter pour Monsieur Macron, car voter Macron, c'est voter pour le système que je désapprouve», a-t-il insisté auprès de Marianne.

Le député Georges Fenech, qui avait appelé à un retrait de Fillon, a expliqué sur BFM en début d'après-midi lundi qu'il n'appellerait pas à voter Macron, en raison des législatives.  «Il faut être cohérent, je ne peux pas appeler à voter Macron parce que je suis dans l'opposition à Macron ! Je n'appellerai pas à voter bien entendu Marine Le Pen, mais moi je ne veux pas diaboliser l'électorat de Marine Le Pen», a-t-il défendu.

Quant la droite revendique son «ni-ni», elle est donc beaucoup plus offensive envers le candidat d'En marche qu'envers la candidate du Front national. A gauche, c'est plutôt l'inverse. Philippe Poutou et Nathalie Arthaud arguent tous les deux que Macron n'est surtout pas «un barrage» au FN.

Mais ils adoptent pour la suite deux tactiques différentes. Le premier appelle carrément à continuer le combat dans la rue : «Macron n'est pas un rempart contre le FN, et pour faire reculer durablement ce péril, il n'y a pas d'autre solution que de reprendre la rue», a affirmé Poutou hier soir, tandis que la seconde assure voter blanc mais insiste sur «le sens d'un rejet de Marine Le Pen sans cautionner Emmanuel Macron».

Jean-Luc Mélenchon n'a pour l'instant pas donné de consigne de vote, et rejoint la droite sur le vote «en conscience» de ses électeurs. «Chacun, chacune d'entre vous sait en conscience quel est son devoir. Dès lors, je m'y range», a-t-il annoncé hier soir, avant d'expliquer qu'il consulterait les «450 000 personnes» qui ont défendu sa candidature. «Je n'ai reçu aucun mandat des 450 000 personnes qui ont décidé de présenter ma candidature pour m'exprimer à leur place sur la suite. Elles seront donc appelées à se prononcer sur la plateforme et le résultat de leur expression sera rendu public.» Quant à ses soutiens, beaucoup préviennent déjà qu'ils s'abstiendront dans deux semaines, grâce au hashtag #SansMoiLe7Mai, un des mots-clés les plus utilisés sur Twitter lundi matin.