«Pas une voix pour Marine Le Pen.» C'est la bannière derrière laquelle ont tenté de se ranger Les Républicains, qui considèrent aussi que l'abstention n'a pas sa place dans une présidentielle. De là à appeler explicitement à voter Macron ? Si de nombreux dirigeants n'ont pas tergiversé sur leur bulletin du 7 mai, certains peinent encore à franchir l'obstacle. Comme Laurent Wauquiez, Eric Ciotti, Jean-Frédéric Poisson ou le petit mouvement Sens commun, qui a ardemment fait la campagne de François Fillon.
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L’«héritier» de Hollande
Les ténors LR s'en étaient persuadés avant le premier tour. Les masques allaient tomber à mesure que Macron serait rejoint par les éléphants du PS et caciques du gouvernement. Et que dire de François Bayrou, Alain Minc, Jacques Attali et Daniel Cohn-Bendit ? Autant de soutiens agités comme des épouvantails, censés plomber le candidat d'En marche en le lestant du bilan du quinquennat. L'ancien ministre de l'Economie, ex-secrétaire général adjoint de l'Elysée, c'est «Emmanuel Hollande», l'«héritier» et «légataire universel» du président sortant. Et ces deux-là auraient réussi leur «hold-up».
Après avoir agité le scénario d'un complot orchestré par l'Elysée pour éliminer la droite, les fillonistes prévenaient : leurs électeurs seront furieux de «se faire voler» la victoire. Comment consentiraient-ils désormais à se reporter sur le protégé de Hollande ? «Les Français sont tellement en colère, assurait Fillon fin mars. Vous n'arriverez pas à les faire voter pour un candidat qui incarne la gauche.»
Le faux réformateur
«Un peu partout, un peu nulle part», «l'extrême flou», c'est ainsi que Fillon et ses lieutenants ont aussi décrit Macron dont ils avaient pourtant salué la bonne volonté libérale quand il était, dans le gouvernement Valls, la cible privilégiée des frondeurs. Dans ses discours, le candidat LR avait fait de son rival l'homme des demi-mesures : «Il veut réduire les déficits sans vraiment les réduire. Il veut des négociations sur les 35 heures sans toucher aux 35 heures. Il veut réformer l'ISF mais à moitié.» Martelées depuis trois mois, ces critiques ne devraient guère motiver ceux tentés par le ni-ni. Les électeurs de droite devraient par ailleurs rester sur leur faim en découvrant que Macron ne compte pas rallonger l'âge de la retraite ou souhaite supprimer «seulement» 120 000 fonctionnaires. Pas sûr qu'ils soient davantage séduits par ses propositions en faveur de l'éducation prioritaire ou celle d'embaucher 4 000 à 5 000 enseignants supplémentaires.
Sa vision de l’identité
«Il n'y a pas une culture française, il y a une culture en France, elle est diverse, multiple», affirmait Macron début février. Cette sortie, ainsi que ses propos sur la colonisation qualifiée de «crime contre l'humanité», ont particulièrement fait tousser la droite. Qu'importe s'il a tenté ensuite de rectifier le tir. Pour cette famille qui insiste sur les «racines chrétiennes» de la France et préfère prôner l'assimilation des immigrés, il est le promoteur du multiculturalisme, le tenant d'une «repentance permanente» et un naïf sur la question du communautarisme.
Ses positions sociétales
Certes, il avait brossé dans le sens du poil les militants de la Manif pour tous en déplorant que ceux-ci aient été «humiliés» durant le quinquennat. Mais les positions de Macron, favorable au mariage homo et à l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes seules et aux couples de lesbiennes, hérissent la droite conservatrice.
La droite n’a pas (encore) perdu
Les Républicains ont perdu une bataille mais n'auraient pas perdu la guerre. Comment appeler à voter le 7 mai pour un candidat que l'on se propose de battre aux législatives en juin ? Certains envisagent donc d'enjamber le second tour pour embrayer sur la campagne des législatives, quitte à laisser Macron se débrouiller face à Le Pen. Pour Wauquiez, il serait ainsi «suicidaire de se rallier à Macron pour appeler ensuite à se battre contre lui».