Voilà donc le retour de «la famille» au cœur des débats de la présidentielle. Au surlendemain du premier tour du scrutin qui a vu la qualification d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, la Manif pour tous dégaine un communiqué pour s'attaquer au leader d'En marche, «candidat ouvertement antifamille». Dans cette communication envoyée mardi soir, la présidente du mouvement, Ludovine de la Rochère, appelle ainsi à s'opposer à l'ancien ministre de l'Economie, tout en ne donnant aucune consigne de vote.
Motif ? «Le programme d'Emmanuel Macron est la continuité de la politique antifamille menée depuis cinq ans par François Hollande, Manuel Valls et Christiane Taubira», affirme la représentante du mouvement réactionnaire, s'ajoutant à la petite liste de ceux qui ne veulent #JamaisMacron à droite : entre autres, Sens commun, l'Avenir pour tous de Virginie Tellene (connue sous le surnom de Frigide Barjot) et l'ancienne ministre chrétienne-démocrate du Logement Christine Boutin, opposante historique au pacs.
Diversité des familles contre «modèle unique»
On ne s'attardera pas sur la qualification de «candidat antifamille» – qu'est-ce qu'être «antifamille» ? Qu'est-ce que «la famille» ? Une «bonne famille» ? Mais l'étude des programmes des deux finalistes du scrutin présidentiel révèle de grosses divergences de fond, voire deux visions diamétralement opposées de la politique familiale. Ainsi, d'un côté, Emmanuel Macron défend qu'«il n'y a pas un modèle unique qui représenterait la "vraie" famille». «Les familles sont de plus en plus diverses : il faut pouvoir les reconnaître et permettre à chacun de vivre sa vie de couple et ses responsabilités parentales», est-il écrit dans son programme.
C'est à ce titre que l'ancien conseiller de François Hollande défend le mariage pour tous, «un acquis fondamental du quinquennat en cours», est pour l'ouverture de l'adoption à tous les couples pacsés et se dit favorable, comme l'actuel locataire de l'Elysée, à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules quand le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) aura rendu son avis, attendu depuis 2013. Emmanuel Macron est en revanche contre la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), mais plaide pour la transcription à l'état civil français des enfants nés par GPA à l'étranger. Une disposition que des autorités administratives françaises refusent d'appliquer, en dépit de la circulaire Taubira de janvier 2013 qui l'autorise et malgré cinq condamnations de la Cour européenne des droits de l'homme.
De l'autre côté, Marine Le Pen promeut, elle, une vision de la famille recentrée sur le seul couple hétérosexuel. Comme le rappelle la Croix, la candidate du FN est sur ce sujet coincée entre la vision «plutôt libérale» de son numéro 2, Florian Philippot, et l'«approche traditionnelle» catholique de sa nièce, Marion Maréchal Le Pen, qui s'affrontent au sein du parti d'extrême droite. Logiquement, le programme de l'ancienne présidente FN dépasse donc ces deux lignes en promettant l'abrogation du mariage pour tous, sans effet rétroactif. La loi Taubira serait alors remplacée par un «pacs amélioré», et la PMA serait réduite à une «réponse médicale aux problèmes de stérilité», autrement dit réservée aux seuls couples hétérosexuels. Elle est aussi pour le maintien de l'interdiction de la GPA, sans faire de cas de la transcription des états civils des enfants nés à l'étranger par cette technique de procréation.
Des aides conditionnées à la nationalité
En matière de politique familiale, là encore, tout oppose ou presque Marine Le Pen et Emmanuel Macron. La première revendique «une politique nataliste» fondée sur la préférence nationale, et souhaite à cette fin revenir sur un certain nombre de mesures votées sous le quinquennat Hollande comme la réforme du congé parental, tandis que le second se contente de promettre une hausse des aides «si les finances publiques le permettent». Dans son engagement 55, la candidate du Front national prévoit ainsi de «rétablir la libre répartition du congé parental entre les deux parents», une mesure qui, pour les associations féministes, favoriserait le renvoi des femmes à la maison.
Autres souhaits : la hausse du quotient familial, baissé par deux fois depuis 2012, «le rétablissement de l'universalité des allocations familiales», dont l'attribution a été modulée en fonction du niveau de revenu en 2014, et «leur indexation sur le coût de la vie». Rupture avec la philosophie qui prévaut depuis les années 30 : ces aides seraient par ailleurs restreintes aux seuls Français alors qu'à ce jour, seule une condition de résidence sur le sol français est nécessaire à leur obtention à ce jour.
Favorable à une hausse du quotient familial, qu'il pourrait annoncer à la mi-juillet, Emmanuel Macron voit ces mesures comme «un accompagnement» «de la vitalité démographique», et «un élément de justice». «Raboter à la fois les allocations et le quotient a été un problème», a d'ailleurs reconnu le candidat d'En marche début avril. Jusque-là, il ne s'était pas encore exprimé sur le sujet et affirmait ne pas vouloir toucher aux prestations familiales.