Depuis le lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, pas moins de trois pétitions remettent en cause la tenue du second tour. Elles cumulent, ce mercredi matin, près de 300 000 signatures, et continuent de grossir. Cette mobilisation immédiate répond au sentiment d'exclusion qui frappe les 7 millions d'électeurs de droite (privés de l'alternance qui leur semblait promise avant les affaires Fillon) et les 9 millions d'électeurs de gauche, Mélenchon et Hamon (qui représentaient la première force mais ne sont pas parvenus à se rassembler).
Deux des pétitions évoquent des irrégularités du scrutin pour justifier d'appeler à annuler le premier tour. La première, qui totalise près de 89 500 noms, dénonce «l'impartialité des résultats des scrutins» et réclame une «commission d'enquête sur les résultats des votes à l'élection présidentielle 2017». La seconde, 66 500 signatures à l'appui, dénonce l'«hécatombe» des radiations sur les listes électorales, organisée par une soi-disant «démocratie» qui travaille «contre» le peuple.
La troisième pétition, un «Appel à la révolution citoyenne», ne dénonce pas de fraude électorale. Ses auteurs, qui se présentent comme des «Insoumis», demandent «l'organisation d'un second tour opposant les premiers finalistes : Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François Fillon et Jean‐Luc Mélenchon» et appellent la population à «manifester dans la rue et bloquer le pays». C'est celle qui a obtenu le plus d'audience : elle atteint 127 500 soutiens.
Ces pétitions peuvent-elles aboutir ?
Le premier tour aurait pu être remis en question par les candidats eux-mêmes, au cours des premières quarante-huit heures après le scrutin, si des irrégularités massives susceptibles de changer l’issue du scrutin avaient été constatées.
«Admettons que le candidat en tête ait 1 000 voix, le deuxième 900 et le troisième 500, expliquait avant le vote à Libération le professeur de droit constitutionnel Pascal Jan. Si on constate des irrégularités sur 400 bulletins, alors le troisième pourrait se qualifier. Dans ce cas, la sincérité du scrutin est mise en cause car le résultat final pourrait être différent, donc le Conseil constitutionnel pourrait décider d'annuler l'élection.» Avec près de 500 000 voix d'écart entre Marine Le Pen et son premier poursuivant, François Fillon, les «sages» n'auraient de toute manière probablement pas pris cette décision.
Ce délai de quarante-huit heures ayant expiré, seul un empêchement pourrait annuler ce second tour : l'article 7 de la Constitution prévoit qu'«en cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats restés en présence en vue du second tour […], le Conseil constitutionnel déclare qu'il doit être procédé de nouveau à l'ensemble des opérations électorales».