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Libération
Reportage

Macron à la Villette : «Changer mon programme ? Ce serait trahir les électeurs»

Le candidat d'En marche organisait ce lundi à Paris son dernier grand meeting de campagne devant 12 000 personnes. L'occasion de re-diaboliser Le Pen, d'envoyer une pique à Dupont-Aignan et de dire son «respect» à ceux qui voteront par défaut pour lui dimanche pour mieux combattre ses idées s'il est au pouvoir.
Emmanuel Macron, à la Villette (Paris), lundi. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 1er mai 2017 à 19h37

Entre Macron et Le Pen, ce n'est plus «projet contre projet», c'est France contre France. D'un côté, celle des «optimistes», de l'autre la France «grimaçante», qui joue sur les peurs et «la colère». La France «qui parle à tous» contre la France «pour quelques-uns». Ce lundi après-midi, dans un hall d'exposition du XIXarrondissement de Paris, le candidat d'En marche tenait son dernier grand meeting, devant 12 000 personnes, selon le mouvement. Quelques heures plus tôt, à Villepinte, en banlieue parisienne, la candidate du FN avait étrillé son adversaire lors de sa propre réunion publique, en appelant à «faire barrage à la finance», qui «a cette fois un visage et un nom». Macron l'a renvoyée dans les cordes en la citant : «Marine Le Pen l'a parfaitement résumé avec sa grossièreté bien connue, c'est "en marche ou crève". Eh bien, elle a raison : En marche, c'est nous !»

Une ministre non désirée

La foule de militants a ponctué chaque phrase du discours fleuve et quelque peu en roue libre de leur champion des désormais habituels «Macron président» et «On va gagner». Avant d'inaugurer un nouveau slogan anti-FN : «On n'en veut pas.» Au premier rang de la mer de drapeaux tricolores et européens, fournis par le mouvement, Ségolène Royal, tout de bleu électrique vêtue. Elle s'est «invitée cette après-midi», soupire un conseiller de Macron. A cinq jours du second tour, alors que Le Pen dépeint volontiers Macron en héritier de Hollande, la présence de la ministre n'était pas forcément recherchée…

Aux côtés de son alléchante triade de «progressistes» – Gérard Collomb, François Bayrou, Jean-Yves Le Drian –, d'autres figures de gauche et du centre ont voulu être sur la photo, à l'instar de l'ex-maire de Paris Bertrand Delanoë, et de l'ex-secrétaire national du PS, désormais secrétaire d'Etat, Harlem Désir. A chaque huée visant Le Pen, Macron a repris la punchline d'Obama visant Trump : «Ne sifflez pas, battez-la.» Quand ce fut le tour de Nicolas Dupont-Aignan, il ajoute, cruellement : «Ne le sifflez pas d'avantage, le pauvre… Il avait déjà perdu. Il est maintenant déshonoré.» La bienveillance a ses limites.

Respect pour ceux qui l’éliront puis le combattront

Pour l'essentiel, Macron s'est employé à re-diaboliser Marine Le Pen, à la tête d'une extrême droite «aussi haineuse que lâche», qui ne serait pour la République qu'«un aller sans retour». «Ce que propose madame Le Pen, c'est le repli sur soi, la misère et la guerre. Et cela, on n'en veut pas !» a lancé l'ex-ministre de l'Economie, peu avare en grandes envolées manichéennes. Au Front national, «le parti de l'anti-France», il oppose quatre «r» : «responsabilité», «résistance», «renaissance» et «renouvellement».

Il s'adresse par ailleurs à ceux «qui doute et ne [l'ont] pas choisi». S'il n'envisage aucunement de revenir sur sa réforme du travail, comme lui a intimé Jean-Luc Mélenchon, il a dit son «respect» à ceux qui voteront pour lui pour battre le Front national et qui «combattront» son projet s'il est élu. «Je veux protéger le cadre de nos désaccords respectifs», a-t-il juré, sans avoir l'intention de reculer sur son projet : «Changer mon programme ? Ce serait trahir les électeurs… Ces réformes sont efficaces. Nous les ferons.»

Accents télévangélistes

Il s'est engagé à «protéger toutes les familles», mais sans légaliser la GPA. L'occasion d'un autre tacle aux Le Pen, dont le patriarche l'a jugé indigne de parler de ces questions en raison de son choix de ne pas avoir de progéniture. «J'ai des enfants et des petits-enfants de cœur, a rétorqué Macron à Jean-Marie Le Pen. C'est une filiation que vous n'aurez pas», en référence à la rupture politique et affective entre Marine Le Pen et son père.

Si Macron voit deux France, il se pose en grand réconciliateur, aux accents télévangélistes. Il se voit à l'origine d'une «mutation profonde du pays, […] que nous avons voulu, que nous avons provoqué», qui va décider des «prochaines décennies de notre pays». Et de conclure, grandiloquent : «La bataille sera violente, c'est maintenant que se joue l'héritage politique, intellectuel et moral de la République française.»