Ce devait être le point culminant de sa campagne de second tour; cela devient un sujet de plaisanterie pour des milliers d'internautes. Dans un discours prononcé lundi à Villepinte, Marine Le Pen semble s'être largement inspirée d'une allocution prononcée deux semaines plus tôt par François Fillon. C'est le compte Twitter «Ridicule TV», proche de l'ex-candidat LR, qui a relevé ces similitudes et s'est chargé de les faire connaître. Evoquant l'influence de la France dans le monde, Marine Le Pen reprend mot pour mot et pendant plus d'une minute trente le texte de son ancien rival de droite.
Pour parler de la France, Marine Le Pen est obligée de plagier MOT POUR MOT un discours de Fillon ... 😱 #Imposture pic.twitter.com/BasTJsgLWf
— Ridicule TV (@RidiculeTV) May 1, 2017
La ressemblance ne s'arrête pas à cet extrait. D'autres passages du discours de Marine Le Pen semblent s'inspirer, pour ne pas dire plus, de celui de François Fillon. Le 15 avril, ce dernier renvoyait dos à dos les idéologies matérialiste et islamiste, pour se féliciter de l'existence entre elles d'une «troisième voie» : «La voie de la culture, du doute, de la discussion, du compromis, du dialogue, la voie de l'équilibre, de la liberté des individus et des peuples», déclarait-il, ajoutant : «Je crois sincèrement que cette voie-là, la voie française, reste un espoir pour le monde du XXIe siècle».
Lundi à Villepinte, les mêmes mots ou presque se retrouvaient chez Marine Le Pen. La candidate du Front national évoquait elle aussi une «voie alternative» : «Cette voie c'est celle de la culture, celle du doute, de la discussion, du compromis, la voie de l'équilibre, de la liberté des individus et des peuples. Je crois sincèrement que cette réponse et cette réponse-là seulement est profondément française.» Enfin, une même citation d'André Malraux illustrait le propos de François Fillon et, lundi, celui de Marine Le Pen :«La France n'est la France que si elle porte une part de l'espérance du monde».
Le discours d'origine n'a rien d'anodin : prononcé par François Fillon à huit jours du premier tour, il avait été particulièrement soigné par le candidat LR. Celui-ci était venu parler d'identité nationale au Puy-en-Velay, le fief de son lieutenant Laurent Wauquiez, vigilant défenseur des racines chrétiennes.
«Clin d’œil assumé»
L'auteur des passages en question a été identifié par RTL : il s'agit de Paul-Marie Coûteaux, une figure des milieux souverainistes. Autrefois allié de Marine Le Pen, il s'en est éloigné en 2014 sur fond de querelle politique et personnelle. Durant la campagne présidentielle, l'homme avait été aperçu dans des meetings de François Fillon, qu'il aurait assisté dans l'écriture de certains discours. Aurait-il ensuite repris du service auprès de Marine Le Pen ? Auprès du JDD, Coûteaux a démenti avoir été en contact avec elle ces derniers temps ou avoir participé à l'élaboration de son discours. Il se félicite toutefois d'un emprunt qu'il voit comme un début d'«union des droites».
L'affaire est embarrassante pour Marine Le Pen, à quelques jours du second tour, et à l'avant-veille d'un débat télévisé crucial contre son adversaire Emmanuel Macron. Contacté lundi soir par Libération, le directeur de campagne David Rachline évoque audacieusement «un clin d'œil assumé de la part d'une candidate de rassemblement, qui montre qu'elle n'est pas sectaire». Pour que ce «clin d'œil» n'échappe à personne, le mieux eût été d'en prévenir le public.