Electeurs de gauche, ils vont voter pour Emmanuel Macron dimanche. Pas par gaieté de cœur ni par conviction, mais «par devoir contre l'extrême droite». Nombreux sont les citoyens qui, dans leurs courriels, ont insisté sur leur opposition à Marine Le Pen et à ses idées. Réunis sous le mot-clé que nous avons inventé #JevoteMacronmaisçapique, ils livrent le témoignage d'électeurs résignés, qui ne se retrouvent pas dans le programme du candidat d'En marche. Ils rappellent à Emmanuel Macron, s'il est élu, de ne pas oublier quelles voix l'ont porté au pouvoir. Et détaillent les sujets sur lesquels ils seront particulièrement vigilants s'il accède à l'Elysée.
Judith est professeure à l'université, elle a 38 ans («Bientôt 39, comme Monsieur Macron») et a voté Benoît Hamon au premier tour pour son programme «visionnaire». Elle va voter Macron «parce qu’il représente la démocratie», ce qui n’est «pas le cas de Marine Le Pen, dont on connaît l’héritage». Mais ça pique.
«Quand j’ai vu votre appel, je suis allée voir le programme de Macron dans le détail, et je suis tombée sur ce point : "Chaque service accueillant du public (hôpital, école, tribunal, CAF…) devra afficher, trimestriellement au moins, ses résultats en termes de qualité de service sur la base d’indicateurs concrets. Les usagers seront associés à leur définition." Ça (et la suppression des 120 000 fonctionnaires), ça me désespère.
«Ça veut dire que le citoyen devient un usager qui évalue. Et en fonction de quel critère ? De son confort ? A l’université, on n’est pas dans un rapport de clientélisme. Les enseignants et les étudiants, on fait société ensemble. Derrière ce système, il y a une chose : le spectre de la privatisation.
«Alors oui, il y a des dysfonctionnements, mais c’est uniquement parce qu’on manque de moyens. A l’école, à l’hôpital, dans les services publics en général, ce sont des métiers de vocation. Les gens ne vont pas être meilleurs parce qu’on les met en concurrence et qu’on leur met une note. On va faire comme sur Airbnb ? Donner un pouvoir arbitraire aux gens ? C’est la porte ouverte à toutes les dérives relativistes. Ça me fait penser à ces commentaires négatifs sur des monuments tels que Notre-Dame-de-Paris sur TripAdvisor.
«Et tout ça va aggraver des inégalités qui existent déjà entre les établissements. Parce qu’on ne donne pas les mêmes moyens aux universités du centre de Paris et de banlieues. Et qu’on va renforcer les établissements jugés les plus "performants".
«Bref, Macron aura mon bulletin mais je lui mettrai zéro étoile sur son appli.»