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Billet

Débat télévisé cherche journalistes

Nathalie Saint-Cricq et Christophe Jakubyszyn auraient dû faire respecter un minimum de règles lors du rendez-vous démocratique de l'entre-deux-tours, mercredi, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
Le débat télévisé d'entre-deux-tours, mercredi. (Photo Boris Allin. Hans Lucas pour Libération)
publié le 4 mai 2017 à 16h39

Il n'y a pas que la performance des deux candidats à la présidentielle qui doit être regardée de près au lendemain du débat présidentiel éprouvant de mercredi soir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Il y a aussi celle des deux journalistes politiques-animateurs-passe-plats (rayez la ou les mentions inutiles) sévèrement critiqués, jusqu'à l'étranger, quant à leur incapacité à organiser la passe d'armes afin d'en sortir quelque chose d'audible. Il est toujours facile de refaire le match après coup, et la gestion de ces moments qui cristallisent (pour reprendre un mot à la mode) toute l'attention est loin d'être évidente. Mais leur passivité, voire leur absence totale, à certains moments, n'ont pas aidé à aller au-delà de la simple invective venant de la candidate du FN. On a même vu fleurir sur Twitter des fausses alertes enlèvement les concernant durant la soirée.

Souci de neutralité

Dès le début, il est apparu clairement que Marine Le Pen avait choisi de ne pas répondre aux questions, plus ou moins précises, sur son projet, pour se contenter d'attaquer son rival sur ses propositions, son passé, ses propos, ses soutiens… Peu importe, pour elle, que les éléments soient vrais ou pas. Dans ce genre de débat, nous ne sommes pas dans une discussion à bâtons rompus entre un journaliste et un politique. Dans un souci de neutralité, on peut alors comprendre que les animateurs ne puissent pas jouer le rôle de «fact-checkeurs» en temps réel, que leur rôle pèse d'abord sur l'organisation du temps de parole pour rendre les échanges les plus pertinents possible. Mais le minimum était d'éviter la prise d'otages des téléspectateurs-électeurs, dont les nerfs ont été mis à rude épreuve, comme s'il s'agissait sciemment de les dégoûter.

L’intérêt de ces débats repose avant tout sur la bonne volonté des candidats à respecter quelques règles élémentaires tacites. S’ils ne jouent pas le jeu, il n’y a aucune raison de leur laisser ce champ libre. Les partisans de la candidate d’extrême droite pourront toujours dire qu’elle a eu raison de bousculer les codes établis – par le système, ajouteront-ils –, cette attitude illustre le mépris que portent ce parti et ses représentants à tout ce qui touche à la démocratie. Et un débat télévisé d’entre-deux-tours est un passage obligé de notre spectacle démocratique qui, s’il ne fait pas l’élection, peut permettre de confirmer ses choix. On attendait donc de Nathalie Saint-Cricq et Christophe Jakubyszyn qu’ils soient garants de ce respect dû aux électeurs.

Exiger du concret

Pour cela, il aurait fallu reprendre Marine Le Pen et lui demander de répondre aux questions, de préciser des points de son projet, de l'interrompre dans ses provocations pour exiger du concret, de la parole tangible pour nourrir le débat. C'est même elle qui s'est souvent attribué le rôle d'animatrice de la soirée en questionnant son adversaire, mais de telle sorte que toute réponse paraissait inaudible. C'est sûr, elle se serait offusquée d'un tel interventionnisme, mais l'incarnation du journalisme en serait sortie grandie. Car si cette configuration a permis montrer le vrai visage d'une extrême droite qui rate ainsi le dernier virage sur la route de sa dédiabolisation, elle n'a pas permis d'élever le niveau. D'ailleurs, même si l'audience est désormais dispersée entre les différents canaux télé et internet, il s'agit d'un des débats les moins suivis de l'histoire télévisuelle de la Ve République.

Cette présidentielle nous aura permis de juger toutes les configurations possibles de débats politiques. Une sorte de laboratoire télé in vivo. A sept pour les primaires, à cinq et à onze candidats en même temps, un par un, à la queue leu leu, en tête à tête pour la campagne officielle… Il n’y a jamais eu autant de débats à la télé sous toutes ses formes. Avec des moments vraiment réussis, et d’autres vraiment ratés comme mercredi soir.