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Libération
édito

Toxique

Lors du débat télévisé, mercredi soir. (Photo Boris Allin. Hans Lucas pour Libération)
publié le 4 mai 2017 à 20h46

Echec ou pas ? Tout le monde aura sa petite idée, après avoir digéré la violence des mots de Marine Le Pen, sur le ou la vainqueur du débat de mercredi soir. Difficile de mesurer avant dimanche si les électeurs tentés par le vote frontiste et les indécis auront été convaincus par la prestation de la candidate d’extrême droite. Certains cadres du FN doutent pourtant des qualités de leur championne. Comme le général Boulanger n’avait finalement pas eu la témérité de franchir les grilles de l’Elysée pour se saisir du pouvoir qui lui tendait les mains, Marine Le Pen a-t-elle refusé l’ultime obstacle, préférant revenir aux fondamentaux frontistes, l’éructation, la contestation stérile ? Une certitude, peut-être : par ses manœuvres et ses attaques, elle a écorné le vernis de dédiabolisation qu’elle s’était appliquée elle-même à poser sur le parti depuis que son père lui avait lâché les commandes. Mais peu importe. Son grand œuvre politique reste son immense prédisposition à ouvrir les brèches, créer la division, empêcher les dialogues et, pire que tout, à y jeter le poison de la suspicion sur tous. Le plus bel exemple de cette toxicité aura été la rumeur du compte offshore d’Emmanuel Macron. En balançant en direct, mine de rien, une boule puante sur son adversaire, Marine Le Pen nous oblige à démonter, nous journalistes et vous électeurs, ce qui ressemble à une piètre manipulation. Le travail que nous avons mené avec la start-up Linkfluence, spécialisée dans la veille et l’analyse des réseaux sociaux, a montré comment ce travail de déconstruction de l’information a donné à cette affaire une exposition démesurée. Même démontée, elle laisse un arrière-goût de soupçon dans la tête de nombreux citoyens «fâchés» avec les médias… Comme le boulangisme avait posé les jalons de l’extrême droite française avant de disparaître, le marinisme dessinera le visage du Front pour les années à venir : instiller le doute et le mensonge, la suspicion généralisée, la guerre contre les savoirs. Et elle le fera sans aucun état d’âme, car elle s’assigne une mission à ses yeux sacrée : créer une France unie et monocolore, une France épurée et entre soi. Mais cela passe par la désunion, la déliaison, le conflit et la déchirure. L’union au travers du risque de la guerre civile. Avec ou sans un(e) Le Pen.